Série schizophrénique, Prey possède une histoire peu commune dans l’industrie des jeux vidéo. S’il aura fallu attendre plus de 10 ans entre le développement du premier opus débuté en 1995 pour finalement sortir en 2006 après de multiples reboots et changements drastiques, sa suite, Prey 2, n’aura pas eu cette chance. Diablement plus ambitieuse sur le papier, la séquelle était à un stade de développement très avancée quand Bethesda avait finalement pris la décision d’arrêter les dégâts d’une production qui n’en finissait plus, en balayant Human Head Studios par la même occasion. Et puis, un beau jour d’E3 2016, l’éditeur annonçait la sortie, la vraie, de Prey, en version réimaginée par Arkane Studios, génie français créateur de la licence Dishonored. Un reboot réussi ? Verdict dans notre test de Prey réalisé sur PS4 Pro via un code PlayStation Store offert par Bethesda.
Un scénario d’abord attirant, puis décevant
Si vous avez fait la démo de Prey disponible sur les plateformes de téléchargement, sachez qu’elle représente la première heure du jeu final. On découvre alors le héros, ou l’héroïne (selon le sexe que vous aurez choisi au préalable) dans son bel appartement luxueux de type « Art Déco » se réveiller pour aller faire une journée de travail classique. Avant de sortir de votre logement pour la première fois, il y a fort à parier pour que vous soyez scotché devant la beauté du panorama qui s’étale derrière votre baie vitrée, que vous fassiez le tour du propriétaire et que vous passiez par la case WC en voyant qu’il est même possible de tirer la chasse d’eau. Une belle liberté qui procure un début d’expérience vraiment sympathique.
Les bonnes intentions se poursuivent ensuite lorsque l’on se réveille le jour d’après dans ce même appartement, mais que l’on découvre la supercherie d’avoir été ailleurs que dans un vaisseau spatial. On découvre alors en même temps que le héros que le monde qui nous entoure n’est qu’une vaste expérience à la The Truman Show, et qu’il va falloir très rapidement faire avec une menace extraterrestre ultra présente dans le vaisseau sur lequel Morgan(e) Yu se trouve, Talos 1. En l’espace de quelques minutes, Prey nous fait passer du cosy au spatial, pour une ouverture vraiment mémorable qui laisse présager de très belles choses en termes de narration et de scénario.
Malheureusement, la suite des événements est largement moins réjouissante, avec une narration qui lâche peu à peu le joueur pour finalement le laisser trouver des bandes audios et écouter des communications téléphoniques. On a connu plus palpitant comme narration qui a du mal à faire prendre conscience aux joueurs toute la gravité de la situation. Cela manque clairement de scènes cinématiques, de mystère, et d’une grosse pincée de personnages charismatiques qui auraient pu rendre vraiment passionnante l’histoire de Prey. D’ailleurs, en parlant de personnage, sachez que le choix d’un Morgan Yu ou d’une Morgane Yu en début d’aventure ne changera strictement rien à l’aventure.
Beau de Prey comme de loin ?
Graphiquement, il est bon de séparer, comme à notre habitude, la réalisation technique de la direction artistique. Pour ce premier point, Prey accuse quelques années de retard avec une version du CryEngine utilisée qui n’est pas la dernière mise à jour de Crytek, et qui affiche par moment de bien vilaines choses. Textures qui arrivent à la bourre en plusieurs étapes d’affichages, animation à la fluidité parfois discutable et aliasing nous font davantage penser à un jeu de 2013 qu’à un jeu de 2017. Malgré tout, ces défauts techniques n’empêchent pas à Prey une belle distance d’affichage, des panoramas somptueux ainsi que des zones de non-gravité qui forcent l’admiration et des effets de lumières / effets spéciaux agréables à regarder.
Mais comme toujours ou presque avec Arkane Studios, c’est véritablement la direction artistique de Prey qui sublime l’aspect graphique du jeu. Art déco plutôt orienté Baroque, le style du jeu est singulier. Evoluer dans une gigantesque navette spatiale truffée de technologie futuriste (le jeu se déroule en 2035) mais meublée et décorée en mode luxe a quelque chose qui rend immédiatement Prey attachant. Cette atmosphère est d’autant plus importante qu’elle renforce l’envie d’explorer les moindres recoins de Talos 1 pour trouver toutes sortes de documents, objets et divers récompenses, et tout simplement l’envie de ne rien manquer des différentes zones du vaisseau.
Autres points forts de l’identité de Prey, son bestiaire fait de Mimics et autres E.T de différentes formes, tailles et puissance de frappe qui livre un petit côté horreur et renforce cette ambiance et cette atmosphère vraiment réussies. On aurait peut-être aimé une plus grande diversité d’ennemis, mais ceux présents suffisent amplement à créer l’angoisse lorsque tous les chargeurs sont vides et qu’il faudra quand même traverser une pièce infestée de Mimics pour évoluer dans votre quête du moment. C’est d’ailleurs là que les problèmes commencent pour Prey…
Jouez comme vous voulez, mais pas trop non plus
En puisant des inspirations aussi bien du côté des System Shock que d’Alien: Isolation et BioShock, Prey propose une belle philosophie, à savoir laisser le joueur maître de l’approche qu’il souhaite. Toutes les zones de Talos 1 peuvent en effet être traversées en mode furtif, cerveau (chercher un passage alternatif pour esquiver le combat) ou bourrin qui rentre dans la tronche de tous les ennemis croisés sur son passage. Le problème que nous avons rencontré durant nos phases de jeu est que absolument aucune approche ne nous a donné du plaisir. Pire encore, au bout de quelques dizaines de minutes, l’envie d’exploser la console allait crescendo. A cela, plusieurs sources de rage qui s’additionnent, et que nous vous proposons de découvrir dans les lignes qui suivent.
A une époque où le dirigisme est roi, il est bon de se retrouver livré à soi-même dans Prey. Talos 1 doit en effet être exploré de fond en comble sans qu’un GPS ne vous guide pas-à-pas en vous amenant directement à l’objectif. Le problème du jeu d’Arkane Studios est d’avoir quand même mis des repères sur l’écran (activables dans le menu pour suivre la quête principale et les quêtes annexes), avec un GPS complètement fou qui peut vous indiquer des directions à prendre qui ne correspondent pas du tout à la route à prendre pour y parvenir. C’est simple, à chaque fois que nous nous lancions dans un objectif en étant assez loin de lui, nous nous perdions et faisions de nombreux allers-retours pour cause de fausses routes on ne peut plus agaçantes. Quand on sait en plus que le changement de zones entraîne un temps de chargement d’environ 1 minute, la frustration s’installe vite.
En parlant des allers-retours, là est d’ailleurs l’aspect plus lourd de Prey. Avec un level design à la limite de l’obsolète, les quêtes à rallonge s’enchaînent, à tel point qu’au bout de quelques heures de jeu, vous saurez déjà que votre prochaine quête sera fractionnée à la dernière minute en plusieurs autres morceaux. Il faut souvent chercher des cartes d’accès dans Prey, mais le problème est que divers problèmes arrivent toujours, et l’allongement des missions est vite devenu insupportable pour nous. Du Fed Ex assez peu intéressant qui a toutefois le mérite de vous faire traverser des environnements de Talos 1 intriguants, mais qui nous renvoie tout droit à une époque où Resident Evil était largement critiqué pour ses allers-retours que l’on disait devenus has-been.
Et côté gameplay ? Là encore, difficile de trouver des bons points à ce Prey version console tant la maniabilité est source d’irritation. Vous avez déjà joué à Half-Life sur Dreamcast ou à tout autre FPS sur une manette ne proposant qu’un seul stick analogique après avoir goûté aux joies du double stick ? C’est curieusement cette sensation qui s’est emparée de nous en jouant à Prey sur PS4. Une latence curieuse est présente dans les déplacements, et la visée est ultra compliquée à mettre en place. Nous ne sommes pas des rois de la gâchette avec les FPS consoles, mais Prey est de loin l’expérience la plus frustrante que nous ayons faite sur PS4.
En plus de cette maniabilité vraiment étonnante à la manette, l’ergonomie globale est mauvaise. Pour choisir une arme, vous pourrez soit afficher un menu circulaire en maintenant triangle, soit utiliser les 3 raccourcis de la flèche multidirectionnelle, mais avouons que dans le feu de l’action, cela devient très vite le bordel. N’ayant toujours que peu de munitions, les phases de combat où plusieurs ennemis se trouvent deviennent alors rapidement très frustrantes puisqu’il faudra changer souvent d’armes pour espérer en sortir vivant. N’oublions pas non plus de dire que Prey est un jeu difficile, et que les Game Over arrivent très vite. Les ennemis sont surpuissants, vos armes sous-alimentées en munitions, les pièges nombreux, et nous conseillons donc aux moins chevronnés de mettre directement le jeu en difficulté minimale.
Nous avons également essayé de jouer l’infiltration pour voir si les choses se déroulaient un peu mieux, mais là encore, les sens des ennemis sont tellement développés qu’il est ultra délicat de passer d’une pièce à l’autre sans se faire griller par les extraterrestres aériens ou les petites araignées Mimics qui se mutent en éléments du décors. Et vu le nombre d’allers-retours à faire sans arrêt, on pourra se décourager très vite rien qu’à l’idée d’appliquer à nouveau une stratégie de fou pour retraverser la même pièce dans l’autre sens. Selon nous, aucune manière de jouer n’est donc vraiment fun dans Prey, avec une infiltration compliquée à mettre en place et des scènes d’action qui font presque toutes partir le joueur avec un gros handicap.
Ce qui fonctionne le mieux dans Prey
Malgré toutes ces sources de frustration, Prey possède des éléments agréables. On notera donc la présence d’une machine à recycler tous les objets trouvés en fouinant Talos 1 qui pourra vous permettre d’exploiter une usine à fabrication de munitions, médikits et autres bonus qui ne seront pas de trop pour mieux survivre sur le vaisseau spatial. L’exploration est donc bien récompensée, puisque tout ce que vous trouverez servira à quelque chose si tant est que vous ayez trouvé les « Plans » pour pouvoir fabriquer ces items.
L’évolution de Morgan(e) Yu est également un plan indispensable à votre survie. Pour ce faire, vous pourrez à la fois trouver et fabriquer vous-même des Neuromods qui seront à implanter dans votre combinaison. Au choix, vous pourrez les utiliser pour débloquer des améliorations basiques (plus de santé, jauge de fatigue qui se vide moins vite etc.) et des aptitudes qui vous feront mieux exploiter les niveaux (piratages, soulever des objets etc.). Des pouvoirs extraterrestres sont également à débloquer, et faciliteront eux aussi les affrontements avec les ennemis puissants. A vous de décider quelles améliorations seront les plus indispensables selon votre manière d’aborder les problèmatiques du jeu, même si encore une fois, ces possibilités de gameplay n’ont pas suffit à nous faire prendre plus de plaisir dans le jeu.
Le bonheur n’est pas dans le Prey
Il paraît difficile de conseiller l’achat de Prey à n’importe qui, pour des défauts qui pourront être des qualités pour les uns, et inversement. Pour notre part, et vous l’aurez compris à la lecture de notre test, le jeu n’a pas du tout fonctionné. Au bout du compte, nous ne retiendrons pas grand chose de mémorable de ce Prey hormis des séquences de frustration extrêmes liées à plusieurs points irritants. Les qualités du jeu n’ont aucunement réussi à nous faire oublier les allers-retours incessants, le manque de narration, la difficulté des situations, les missions à rallonge quand nous prenions par exemple un pied énorme à traverser BioShock ou Alien: Isolation.
En traversant l’aventure, un constat s’impose également : Prey n’a pas d’autres points communs avec les productions de Human Head que son nom. Si l’on regarde d’un peu plus près au premier opus et à la fiche technique du Prey 2 avorté, les regrets de voir tout cela non exploité par Arkane Studios sont grands, cette réimagination de l’univers initial n’ayant pas conservé grand chose.
Notre conseil ultime sera donc de vous inciter à télécharger la démo gratuite de Prey sur PC, PS4 ou Xbox One, de faire l’heure entière proposée, et de voir si vous accrochez au tout. Si la réponse est non, il n’y a aucune chance pour que l’expérience globale vous satisfasse. Dans le cas contraire, vous passerez de très bons moments sur un Talos 1 qui n’a visiblement pas réussi à nous embarquer à bord. Dommage !
Verdict : 12 / 20