Test de Lucius

Réalisation technique

Clairement, ce n’est pas par son moteur graphique que Lucius brille. Le jeu n’est pourtant pas moche. En effet, les intérieurs et extérieurs du manoir sont assez bien retranscrits et on notera l’effort des développeurs de ne pas avoir cédé aux sirènes de la facilité, en modélisant correctement les objets que l’on peut voir ou prendre dans cette grande demeure, mais également les vêtements et les visages des personnages que l’on croisera tout au long de ce périple meurtrier. D’ailleurs, ces visages sont tout à fait crédibles mais ils n’expriment quasiment aucune expression. Le jeu est frappé aussi par quelques bugs. Lucius peut parfois se retrouver bloqué dans un bureau, une bordure et même traverser le sol. On remarquera aussi quelques ralentissements et une forte tendance qu’ont les cigarettes et les bouteilles à léviter à côté des mains qui sont censées les tenir.

Direction artistique

Tous les amateurs de grandes demeures à la Resident Evil et du film La Malédiction vont être aux anges avec le manoir Wagner. Shiver Games a pris soin d’offrir aux joueurs une décoration fidèle de l’époque. La machine à voyager dans le temps fonctionne et on se retrouve au début des années 70, dans la peau de cet enfant de six ans en costume noir qui traverse les pièces à la recherche de sa future victime. De la tapisserie aux meubles, en passant par les habits, les jouets ou encore les appareils électriques, cinéphiles et joueurs se sentiront en terrain connu. Du très bon travail a été fourni sur ce point. Les cinématiques, en nombre suffisant, ne sont absolument pas rébarbatives et donnent à Lucius une vraie trame scénaristique dans laquelle il est difficile de ne pas s’engouffrer.

Level design

Le jeu ne propose qu’un seul lieu : le manoir. Mais ce n’est pas un réel problème car ce dernier est suffisamment grand pour supporter un jeu entier. De plus, l’action de Lucius se déroule à huis clos et ce genre d’exercice exige un nombre d’endroits restreints. Le manoir est grand, certes, mais il permet une immersion complète et donne cette sensation d’oppression nécessaire pour faire un bon jeu d’horreur. Les choses se corsent en abordant le système de mise à mort. Shiver Games avait laissait penser que Lucius, en rapport avec sa petite taille, devrait jouer de malice pour arriver à ses fins. Dans les faits, on s’aperçoit bien vite que le chemin a déjà était tracé et qu’il va falloir le suivre. Celui-ci est d’ailleurs parfois bien tortueux et certains objets nécessaires à l’accomplissement de la tâche sont mis à des endroits difficilement visibles. Enfin, pour berner la vigilance des adultes, les « ennemis du jeu », il suffit juste, sauf à quelques rares exceptions, de se mettre derrière eux ou dans un angle mort pour continuer son bonhomme de chemin, sans même se soucier du bruit que l’on fait.

Gameplay

L’autre gros point faible du jeu. Tout d’abord, même si Lucius se manipule sans trop de problèmes, il a tendance à se cogner dans les encadrements des portes. Même constat pour le tricycle qui réagit un peu trop vite aux changements de direction et à tendance à foncer dans les murs. La carte est loin d’être un modèle de lisibilité et il faut parfois chercher sa position un instant avent de réussir à se situer. L’inventaire ne propose pas de choisir l’objet que l’on souhaite avec le pointeur de la souris. Il faut donc utiliser la molette afin de faire défiler chaque objet avant de sélectionner celui désiré. Il est également parfois hasardeux de cliquer sur un outil, surtout quand il est petit, pour le ramasser. Mais le pire vient des pouvoirs. Partant comme une idée sympathique, ceux-ci deviennent presque handicapant à force. Si Lucius a choisi d’utiliser l’un d’eux pour une mission et s’il se retrouve face à une porte, il ne pourra pas l’ouvrir ! Il faut donc basculer régulièrement entre pouvoir surnaturel et compétence normale. La Télékinésie, le premier pouvoir reçu et celui qui sera le plus utilisé, risque d’en stresser plus d’un tellement son utilisation est peu instinctive. Le constat est assez décevant.

Scénario

Lucius né le 6.06.1966, en même temps qu’un rituel satanique, et n’est pas destiné à un avenir ordinaire. Comment prévoir d’être pompier ou vétérinaire lorsque l’on a pour père Lucifer ? Alors, lorsque son papa lui demande, le soir de son sixième anniversaire, de lui apporter des âmes, en commençant par celle de l’une des domestiques, l’enfant s’exécute et s’attèle à la tâche. Le jeu s’inspire, plagie presque, le film La Malédiction de Richard Donner pour son ambiance et s’apparente au livre Dix petits nègres d’Agatha Christie pour sa finalité. Au menu, des meurtres suspects, une enquête criminelle qui piétine ou encore une famille qui cache bien des secrets. Voilà un plat avec plusieurs ingrédients qui se marient bien ensemble. Il faut aussi compter sur les cinématiques qui se chargent de nous emmener toujours plus loin dans l’histoire sordide qui se déroule au manoir pour asseoir l’excellent scénario de Lucius.

Bande son

Une grande réussite. Entre des musiques orchestrales dans lesquelles les instruments à corde prédominent, violons en tête, et des morceaux de piano que ne renierait pas James Horner, c’est à un vrai petit régal pour les oreilles auquel le joueur à droit. Il y a aussi ces musiques tout droit sorti des jouets pour enfants qui prennent d’étranges sonorités une fois mises dans le contexte du jeu. D’un autre côté, le doublage des personnages s’en tire nettement moins bien. Il alterne entre le bon et le très moyen. Il n’a sans doute pas été pris autant au sérieux qu’il aurait dû l’être. Il arrive parfois qu’un des protagonistes fasse une longue tirade avant d’être subitement coupé par le départ du chapitre ou une cinématique. Il y a aussi ceux qui sont montés en boucle et répète sans-arrêt les mêmes phrases à tel point que ça en devient énervant de les croiser. Dommage car l’immersion y perd un peu.

Durée de vie

Voilà bien le critère le plus difficile à juger. Tout dépendra de la faculté de déduction de chacun. Lucius s’apparente en effet à un point-and-click. Certains trouveront plus rapidement que d’autres un objet ou un pouvoir à utiliser, ou encore la solution à un problème de dernière minute. Tourner en rond arrive plus souvent qu’on ne le voudrait et parfois pour des raisons toutes bêtes. Il y a aussi cette fâcheuse tendance qu’a le jeu d’envoyer le joueur chercher un objet qui se trouve à l’autre bout du manoir pour pouvoir commettre son forfait. Des allers-retours dispensables qui gonflent artificiellement la durée de vie et qui renvoient quinze ans en arrière. Il faut aussi prendre en compte tous les petits défauts cités précédemment qui pourront avoir raison de la patience des joueurs les moins tolérants. Pour se faire une petite idée, disons que le jeu demandera entre 6 et 10 heures pour en voir le bout.

Conclusion

Pendant que les enfants de six ans font des bêtises, crient, pleurent, rendent fou leurs parents ou mangent des bonbons, Lucius, lui, tue. Ce garçon au visage figé et à l’éloquence aussi développé que celle de Bernardo a été programmé dès sa naissance pour accomplir un devoir, c’est-à-dire obéir à son père et commettre des meurtres afin de nourrir celui-ci avec des âmes. Emballé par la perspective de jouer à un titre qui propose autre chose que les standards actuels au budget cinématographique, il faut avouer qu’au final, nous n’avons affaire « qu’à » un petit jeu d’horreur au demeurant fort sympathique. Alors, oui, Lucius a pas mal de défauts. D’une, les promesses de départ ne sont pas complètement tenues. Plus question de jouer les Sam Fisher pour assassiner ses cibles donc. De deux, le jeu souffre de nombreux bugs qui gâchent un peu le plaisir. De trois, la maniabilité est loin d’être un modèle du genre… On pourrait en rajouter encore quelques-uns mais à quoi bon ? Shiver Games est un tout petit studio dont les moyens sont plus que limités. On préférera retenir que Lucius offre une expérience rafraichissante en ces temps de blockbuster. Entre thriller et horreur, Lucius est à recommander à tous les amateurs d’un genre qui a tendance à se faire un peu trop rare.

Verdict : 15 / 20

  • Sadako

    Journaliste gaming et high-tech depuis 2009, je suis "Vanlifer" depuis 2021, dans mon camping-car équipé pour travailler sur les routes tout comme pour profiter de bons moments de détente !

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