Test de Invisible Inc.

La scène indépendante prend chaque année un peu plus d’importance et s’il ne fallait retenir qu’une chose de cet E3 2015, c’est ce changement de paradigme qui a transformé le salon californien, un salon en pleine transition qui cherche à brouiller les pistes entre grosses productions et petits studios, comme si la tête d’affiche hollywoodienne « boom boom, pan pan ! » ne faisait plus autant rêver qu’avant. Les éditeurs auraient-ils discerné nos bâillements éclipsés entre deux trailers de Call of ? Il se pourrait bien que oui. Il se pourrait aussi qu’avec moins de moyens, certains studios arrivent autant à captiver l’attention de la presse qu’un blockbuster hors de prix. Pire, certains se révèlent même être de véritables pépites à leur sortie, comme Invisible Inc. que nous vous présentons aujourd’hui.

Derrière ce sobriquet étrange, se cache un studio pas vraiment méconnu des joueurs PC – Klei Entertainment – à qui l’on doit déjà le très bon Mark of the Ninja et le brillantissime Don’t Starve, un studio de génie qui continue sur sa lancée en nous proposant cette fois-ci un jeu rendant hommage à Syndicate de Bullfrog (1993) mais saupoudré d’une touche de Xcom. Invisible Inc., de son petit nom, est donc par essence un jeu tactique au tour par tour bien différent de tout ce que nous a déjà proposé Klei Entertainment. Nous avons là un studio qui prend des risques, et ça c’est bien !

Nous jouons le rôle d’un opérateur gérant une troupe d’agents secrets à la dérive depuis qu’une corporation malintentionnée a décidé de s’emparer de notre base bien aimée. Avec seulement 72H de fuel dans l’avion qui a permis notre fuite, nous devons récupérer le maximum de ressources afin de balayer ces malotrus de notre QG. Voilà, l’histoire est posée et elle tient sur un post-it. Heureusement, l’intérêt de ce jeu n’est pas tant le scénario que dans son gameplay et son immense durée de vie rendue possible grâce à la génération procédurale, mais nous y reviendrons plus tard. Tout comme Firaxis Game dans son dernier Xcom, entre chaque mission, nous accédons à une carte qui nous permet de choisir les objectifs que nous souhaitons remplir. En réalité, le jeu nous laisse les mains libres pour gérer nos priorités : dérober de l’argent, réhabiliter d’anciens agents ou encore dégoter de nouvelles technologies, à vous de choisir. Notre seule contrainte c’est qu’après trois jours, prêts ou pas prêts, il va falloir partir au casse-pipe !

Lorsqu’on lance notre première mission d’infiltration, l’escouade est téléportée dans un repaire isolé et à l’abri des gardes. Une chose est sûre, la première chose que l’on remarque c’est que Jeff Agala,  le directeur artistique de Klei Entertainment, n’a pas perdu la main et le jeu brille par une DA formidable, digne des plus gros triple A. Le chara-design reprend les codes de Mark of The Ninja avec une fluidité inouïe, un chara-design soigné et des animations avenantes. Quand nos yeux se sont enfin remis de ce cette petite claque graphique, nous retrouvons, souris en main, les sensations d’un Xcom à base de points d’action servant à se déplacer ou à réaliser des actions clés (pirater ou ouvrir une porte, par exemple).

La grande différence avec Xcom est que Klei Entertainment a préféré ranger les flingues et laisser place à de l’infiltration pure et dure. D’ailleurs, les ennemis, eux, bien armés, ne vous laisseront guère le choix. Chaque niveau se décompose donc comme un jeu du chat et de la souris où il va falloir faire preuve de la plus grande discrétion car laisser une porte ouverte peut signer votre arrêt de mort, mais utiliser un point d’action pour éluder toute complication peut vous embarquer dans d’autres problèmes encore plus épineux. On sue et le jeu ne fait pas de cadeau : en plus de devoir danser avec les ombres, vous allez aussi faire la course contre la montre, car plus votre intrusion perdure, plus le niveau d’alarme augmente et plus l’IA des gardes devient agressive. En gros, le jeu peut sembler un brin complexe mais, en réalité, il ne l’est pas du tout. Grâce au génie de Klei, les mécanismes et l’interface sont exhaustifs mais épurés, ce qui permet d’avoir un jeu bien rythmé et qui n’ennuie jamais, s’insérant aisément dans la catégorie « facile à jouer, difficile à maîtriser ».

Le jeu, difficile à maîtriser, s’évertue à vous piéger et par exemple, titiller un garde, sillonner le champ de vision d’une caméra ou chourer le mauvais coffre sont autant de choses qui feront exploser la jauge de sécurité du niveau, une alarme qui se fera un plaisir d’intensifier encore un peu plus votre niveau de stress. Pire encore, votre simple présence augmente la jauge de détection car aucune intrusion ne peut être totalement indétectable. Il va donc falloir être rusé et rapide, transformant chaque tour en un véritable casse-tête et une remise en question perpétuelle. Aurais-je dû faire ça comme ça ? Pourquoi suis-je parti par-là ? N’aurais-je pas dû contourner autrement ? Ne comptez pas non plus apprendre le niveau par cœur parce que tout le jeu se développe de manière procédurale ce qui veut dire que vous ne visiterez jamais deux fois le même endroit. D’ailleurs, il est là le véritable point fort de ce jeu : sa génération procédurale.

Le scénario n’est réellement qu’un prétexte pour plonger dans ces niveaux où votre concentration sera mise à rude épreuve. L’ajout d’un mode infini augmente encore la plus-value de cette œuvre addictive, qui se révélera chronophage à quiconque se laissera séduire par sa DA enchanteresse et son gameplay implacable. Et comme si ce n’était pas suffisant, les niveaux sont remplis d’événements aléatoires intéressants qui donnent envie de tous les découvrir, une perle rare, donc, qui cache un magnifique jeu tactique au tour par tour qui génère un véritable raz de marée d’émotions entre chaque niveau. Klei est un studio qui aime et comprend les joueurs, et il le montre. Avec Invisible Inc., les Canadiens ont encore frappé fort et continuent à chaque fois de nous prouver que la « Klei » du succès ne réside pas forcément dans une marée de dollars mais peut-être dans une simple compréhension du média et de son passé pour mieux en interpréter son futur… Invisible Inc. coûte 20€ sur Steam, une somme dérisoire par rapport à la qualité du titre et entre nous, vous vous feriez du mal si vous ne lui laissiez pas sa chance.

Verdict : 19 / 20

  • Sadako

    Journaliste gaming et high-tech depuis 2009, je suis "Vanlifer" depuis 2021, dans mon camping-car équipé pour travailler sur les routes tout comme pour profiter de bons moments de détente !

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