Test de Hellblade: Senua’s Sacrifice

Habitué à produire des jeux vidéo AAA, Ninja Theory a souhaité sortir des bras de Sony, Bandai Namc et Capcom en éditant lui-même Hellblade: Senua’s Sacrifice, une aventure psychologique ultra originale qui tente de faire passer de nombreux messages aux joueurs tout en proposant un aspect beat’em all / aventure plus classique. Quid de cette première expérience en solo pour les papas de Enslaved: Odyssey to the West et de DmC: Devil May Cry ? Une véritable merveille à classer dans la catégorie des OVNI vidéoludiques. Explications dans notre test de Hellblade: Senua’s Sacrifice, réalisé sur PS4 Pro via une clé PlayStation Store offerte par Ninja Theory.

Entrez dans la secte mentale de Senua

En jouant à énormément de jeux différents par mois depuis l’ouverture de Playerone.tv en 2009 (et bien avant également, mais dans une moindre mesure), nous avons vu passer un nombre incroyable d’expériences, vécu des histoire hors du commun et fait des aventures souvent magiques, mais celle que nous venons de traverser dans Hellblade: Senua’s Sacrifice est absolument inédite. Si EA et Visceral Games nous avaient déjà fait visiter le cercle des enfers de Dante’s Inferno, Ninja Theory aborde un sujet inédit ou presque dans les jeux vidéo : les psychoses.

Première preuve que la fidélité à cette vaste pathologie est forte dans le titre ? Les développeurs ont pris le soin d’avertir les âmes les plus sensibles aux angoisses et autres crises de panique via un message de prévention qui s’affiche avant l’écran titre de Hellblade: Senua’s Sacrifice. Autre précision, celle d’avoir fait appel à des neuro-scientifiques pour reproduire au mieux la perte de réalité induite par des maladies mentales telle que la schizophrénie, les délires paranoïaques et autres crises catatoniques. Pendant les moments de crises, les patients vivent des moments d’angoisses extrêmes et sortent complètement de la réalité du commun des mortels pour plonger dans des représentations souvent très sombres et mutilantes.

Le point commun avec Hellblade: Senua’s Sacrifice ? Son scénario nous met dans la peau de Senua, jeune femme en proie à de terribles troubles psychologiques que Ninja Theory nous propose de vivre dans une aventure jamais vue, aux portes de la folie et au beau milieu des ténèbres à la fois. Autant vous dire que le titre s’adresse à un public averti, ouvert d’esprit et initié aux troubles mentaux sous peine de ne comprendre absolument rien du trip psychologique de cette héroïne torturée, mais tellement attachante. Sans vous spoiler l’histoire, sachez donc que Senua partira dans une quête métaphorique durant laquelle elle tentera de se libérer de ses propres démons, en affrontant des ennemis issus des mythologies Celtes et Nordiques, dans des environnements à couper le souffle tant part leur beauté technique que leur recherche artistique.

Mais avant de vous dévoiler en quoi l’univers de Hellblade: Senua’s Sacrifice est un petit bijou, il est vital de souligner le travail de Ninja Theory autour du personnage principal du jeu, doublure officielle de l’actrice Melina Juergens. Avec un physique et une allure tantôt effrayés, tantôt déconnectés de la réalité, Senua retranscrit à la perfection les états d’âmes des personnes en plein délirium. Et pourtant, cette jeune femme « perchée » réussira, tout au long de l’aventure, à communiquer des émotions et des sensations très variables aux joueurs la contrôlant, créant une sorte de complicité parfois malsaine entre le joueur et le jeu. Les situations scénaristiques et d’action troublantes ne manquent pas, et il ne sera pas rare de se sentir un peu mal à l’aise face à des scènes que les saints d’esprits n’ont jamais envisagé, même dans leurs rêves les plus fous. Bref, un travail d’écriture proche de la perfection habille Hellblade: Senua’s Sacrifice, magnifiquement mis en scène par une héroïne qu’il fallait osée faire vivre dans un jeu vidéo.

Visiblement, quelque chose effraie Senua… !

Un habillage visuel et sonore qui force le respect

Mais si Hellblade arrive aussi bien à plonger les joueurs dans l’antre de la folie de Senua, c’est également grâce à un travail hallucinant sur la technique du jeu, et sur sa direction artistique. L’Unreal Engine 4 est dompté à la perfection, pour des textures magnifiques aussi bien sur PS4 que PS4 Pro, des animations très réalistes, et des teintes qui animent les décors avec beauté. Pour vous faire une petite idée de la qualité graphique du titre de Ninja Theory, sachez qu’il se place artistiquement et techniquement dans le trio des jeux les plus impressionnants disponibles sur PS4, Horizon: Zero Dawn et Uncharted 4 / Uncharted: The Lost Legacy y compris.

Blindé d’effets spéciaux et profitant d’une technique d’éclairage et de jeux de lumière ahurissants de réalisme, Hellblade est toujours magnifique à regarder. Si vous possèdez une PS4 Pro, vous pourrez d’ailleurs choisir d’y jouer à 60 images par seconde avec des détails moins poussés, ou à 30 FPS si vous souhaitez vraiment profiter de tout ce que la console peut livrer en termes de résolution et de finesse graphique.

Ce constat est d’ailleurs d’autant plus étonnant lorsque l’on sait que Hellblade: Senua’s Sacrifice n’a été développé que par une toute petite équipe de … 20 personnes ! Aux commandes de la direction artistique, on retrouve d’ailleurs Hugues Giboire qui avait déjà officié sur Heavenly Sword sur PS3, de retour pour livrer une touche personnelle reconnaissable pour ceux qui auraient déjà fait le titre de lancement de l’ancienne console de salon de Sony. La variété des environnements est elle aussi un petit modèle du genre, et, encore une fois, correspond parfaitement aux différents états émotionnels et psychologiques de Senua. Mention spéciale aux ennemis nordiques et celtes qui impressionnent, tout comme les boss qui en imposent. Un sans faute visuel, un vrai !

Toujours côté immersion, la folie est parachevée par une bande son magistrale, et une technique audio que l’on ne voit que trop rarement dans les jeux vidéo. A l’aide d’une spatialisation binaurale (comme les jeux PlayStation VR, Oculus etc.) bien maîtrisée, les ingénieurs du son en charge de Hellblade: Senua’s Sacrifice vous feront vivre de forts moments auditifs. Entre les voix qui chuchottent un coup à droite, un coup à gauche pour imiter les hallucinations auditives rencontrées par les personnes psychotiques, les cris sortis tout droit des enfers et les musiques ténébreuses à souhait, la sphère sonore est aussi réussie que la plastique du jeu. Ce soin particulier engage les joueurs particulièrement fort dans cette aventure qui n’a pas que ça dans le ventre pour séduire les joueurs.

L’un des nombreux magnifiques tableaux croisés dans Hellblade

Une aventure semée d’embûches

Ôde à la représentation des psychoses, Hellblade: Senua’s Sacrifice n’en reste pas moins un jeu vidéo. De ce côté là, les développeurs n’ont pas risqué grand chose en optant pour un cocktail fait de phases d’exploration, de puzzles, de combats en beat’em all et autres moments plus calmes, plus propices à la narration. Si les phases calmes n’ont pas besoin de mot pour être comprise, notez qu’avant de vous retrouver face à des hordes d’ennemis, il faudra souvent chercher des symboles dans les décors pour ouvrir des portes qui vous permettront de poursuivre l’aventure. Une fois que l’on a bien assimilé le fonctionnement de ces mécaniques de jeu, la plupart d’entre elles ne sont pas bien complexes à résoudre, des guides visuels accompagnant d’autant plus ces petites énigmes visuelles fort sympathiques.

En ce qui concerne le maniement de Senua lors des phases de combat, c’est en revanche bien plus compliqué au début du jeu. Ne proposant ni véritable tuto d’apprentissage, ni hub et indication à l’écran, Hellblade: Senua’s Sacrifice doit se pratiquer pour saisir l’intégralité de la palette de coups et de mouvements de son héroïne. A mi-chemin entre le très technique For Honor et la brutalité d’un God of War, les combats (toujours à l’épée) sont jouissifs, grâce à une sensation de puissance vraiment bien retranscrite. Que ce soit contre les boss ou contre les ennemis classiques, il faudra bien apprendre à esquiver, à mémoriser les paterns adverses, pour riposter au bon moment et utiliser une technique spéciale qui vous sauvera la vie plus d’une fois. Si le premier boss donne l’impression d’avoir à faire à un clone des Dark Souls côté difficulté, il n’en sera finalement rien face aux suivants, puisque vous aurez normalement compris comment faire pour mieux vous battre.

Histoire de bien vous faire comprendre que vous ne jouez pas à Hello Kitty, Ninja Theory a également pris soin de vous plonger dans des dédales assez souvent, dans lesquelles il faudra user de votre matière grise (ne jouez pas trop à Call of Duty…) pour ne pas vous perdre. En bref, le level design et le gameplay de Hellblade: Senua’s Sacrifice se marient très bien, pour donner un rythme agréable, dans un jeu où on ne s’ennuie pas. Certains joueurs pourraient trouver quelques combats un peu trop longs, chose qui ne nous a pas du tout gêné, tout comme certains angles de caméra ne sont pas toujours optimaux lorsque l’on se bat dans des zones resserrées.

L’un des nombreux paysages somptueux de Hellblade: Senua’s Sacrifice

Une pépite à faire absolument sur PS4 ou PC !

Osant aborder un univers assez inédit dans l’industrie des jeux vidéo, Ninja Theory nous a fait vivre 8 heures de voyage unique en leur genre. Le pari de traiter les psychoses est réussi, tout comme le gameplay, le level design et les aspects graphiques de Hellblade fusionnent à la perfection pour donner lieu à un jeu surprenant. Finalement, le seul défaut que nous avons trouvé au titre est de ne pas avoir fait l’effort de traduire les hallucinations auditives qui ne possèdent pas non plus de sous-titres français, pour une immersion qui aurait été parfaite. Malgré tout, nous ne recommandons pas Hellblade: Senua’s Sacrifice à n’importe qui, son thème étant vraiment à part, et les métaphores utilisées pour illustrer la réalité mentale de son héroïne assez peu claires pour une grande cible de joueurs. Il serait en effet vraiment dommage de ne pas saisir toutes les finesses de Senua, même si le gameplay comblera ceux se sentant un peu perdu dans cette hallucination vidéoludique si savoureuse.

Verdict : 18 / 20

  • Sadako

    Journaliste gaming et high-tech depuis 2009, je suis "Vanlifer" depuis 2021, dans mon camping-car équipé pour travailler sur les routes tout comme pour profiter de bons moments de détente !

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