Test de A Way Out

En bon ovni vidéoludique rompant avec les traditions du jeu solo et du faux multi, A Way Out avait justement après son court passage lors de la conférence Sony de l’E3 2017 cristallisé les attentes de bon nombre de joueurs. Intriguant par son côté résolument coop, A Way Out propose une aventure en full coopération dans laquelle deux taulards préparent l’évasion du siècle. Cette surprise en forme de confetti, qui à côté de certaines annonces faisait pâle mine, a finalement réussi l’exploit d’être au bout de beaucoup de lèvres de gamers avisés qui voyaient en ce jeu, l’avènement d’un tout nouveau genre de jeu en coopération. Mais, attention ! Pas la petite coopération classique qui nous invite à buter du zombie ou des gros méchants pas beaux à deux. La coopération essentielle : celle qui a besoin de deux joueurs, partout, tout le temps. Autant dire que le dernier soft du studio Hazelight a beaucoup d’attentes à combler. Y arrive-t-il ? Réponse dans ce test de la version commerciale de A Way Out achetée par nos soins.

Sans issue

Leo rencontre Vincent. Vincent rencontre Leo. Sur une bonne télé espagnole, ce pitch restreint constituerait une parfaite introduction à une histoire d’amour intemporelle. Malheureusement Leo est un italien un poil sanguin dont le nez raye le bitume sale d’une prison américaine où il est enfermé pour meurtre. Quant à Vincent, il a été envoyé au coffre pour vol et blanchiment d’argent. L’histoire commence comme ça. Un joueur choisit Leo, l’autre choisit Vincent et vous voici propulsé au sein d’une prison américaine qui va être le théâtre de votre évasion.

Mais à contre-courant des plus grandes évasions jamais inventées par les plus grands taulards, celle de nos deux lascars ne brille ni par son glamour, ni par sa durée. Au final, A Way Out ne se focalise pas justement sur la seule sortie de prison, mais beaucoup plus sur ce qui vient après, une sombre affaire de règlement de compte, où l’histoire et les langues se délient peu à peu, à coups de flashbacks et de flashforward. En tout et pour tout, l’évasion de la prison représente environ un bon tiers du jeu. Ce n’est d’ailleurs pas forcément un hasard si c’est ce tiers spécifique qui nous a le plus charmés et amusés. Car ce qui fâche dans cette histoire de mutinerie clandestine, c’est l’étrange juxtaposition de scènes d’action tendues, de sauvetages in-extremis, avec des activités d’une banalité confondante. Clin d’oeil désabusé à une séquence de barque dans les bois, ou à un épisode affligeant d’ennui à devoir pêcher au pieu des poissons qui nagent beaucoup trop vite. 

Ainsi, le titre édité par EA oscille entre scènes nerveuses plutôt très réussies, et périodes de vide narratif frustrantes, voire même parfois révoltantes. En témoignent des longueurs diaboliques qui emmènent péniblement le joueur vers une conclusion qui aurait gagné en force et en impact ce qu’elle aurait perdu en longueur. En somme, si l’histoire de ces deux évadés parvient aisément à captiver, elle n’arrive cependant jamais à passer un niveau tel qu’on voudrait sans cesse en savoir plus. La faute certainement à des cut-scenes emplies d’une émotion palichonne et surjouée, qui ont le mérite de ne pas avoir peur de tomber dans le stéréotype maigrelet du taulard au grand coeur. Comme si cela ne suffisait pas, la narration morcelée à la Beyond : Two Souls ne contribuent pas à l’identification du joueur, bien au contraire. Il est souvent difficile de s’y retrouver, entre flashback et flashforward, surtout que les indications temporelles à l’écran sont rares.

Liberté conditionnelle

Les similarités avec le dernier titre de David Cage ne sont pas fortuites, tant on peut en compter de nombreuses. Dans le gameplay notamment, ceux qui espéraient une aventure faite de liberté totale, devront se contenter d’une liberté conditionnelle. Une liberté dans les limites de ce que les développeurs ont techniquement prévu pour vous. Une liberté très scriptée donc, encadrée de murs invisibles et d’interactions nauséabondes avec des PNJ statiques, dont les conséquences sur l’histoire sont réduites à leurs stricts minimums.

Certes, quiconque nierait ces quelques points (très) noirs auraient la mauvaise foi d’un cambrioleur pris sur le fait. Mais au-delà de cela, quand on réfléchit à tout ce que le jeu propose, on ne peut que s’incliner devant une certaine maestra. A Way Out est tout bonnement le premier jeu en coopération sur console. On parle ici d’une vraie coopération. Celle qui a besoin de l’implication des deux joueurs, celle sans qui le jeu ne pourrait jamais se finir, celle qui lie et délie. Jouer à A Way Out reste en toutes circonstances un plaisir tout à fait probant, de ceux qui restent ancrés dans la mémoire des joueurs. Finalement, qu’importe qu’Hazelight ait oublié qu’une mémoire graphique s’augmente, qu’importe que les développeurs ait vraisemblablement omis de travailler les textures de leurs PNJ’s. En tout et pour tout, ce qu’il reste d’un soft comme celui qu’ils ont pondu, c’est le sentiment pour les joueurs d’avoir fini un jeu, ensemble. Trop souvent cantonnés à des modes un contre un bien simplets, A Way Out a le mérite de réfléchir sur son propre média et d’apporter des solutions différentes pour empêcher qu’une lassitude extrême nous emballe. Rien que pour ça, alors, A Way Out mérite votre coup d’oeil.

Pour sûr, vous n’y passerez qu’une fois, les énigmes et le scénario n’étant pas les points forts du jeu. Pour sûr, beaucoup de ses défauts vous sauteront aux yeux, comme une puce au visage.

Mais au-delà même de cela, A Way Out vous offre des vrais moments d’amitié et de partage avec vos frères et vos soeurs gamers, à l’heure même où les détracteurs des jeux vidéo stigmatisent et réduisent le média à une sombre pratique individualiste et violente. A Way Out sort alors fièrement son épingle du jeu, avec la maîtrise des plus grands.

Verdict : 15 / 20

  • Sadako

    Journaliste gaming et high-tech depuis 2009, je suis "Vanlifer" depuis 2021, dans mon camping-car équipé pour travailler sur les routes tout comme pour profiter de bons moments de détente !

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