Hier soir, nous avons vécu avec vous tous, en live, la conférence Gamescom 2017 de Microsoft. Ayant le gros avantage d’être seul à faire ce genre d’exercice en Allemagne là où Sony et Nintendo privilégieront le Tokyo Game Show à court terme, nous pensions le constructeur capable de mettre une belle gifle à la concurrence en montrant que l’achat de la Xbox One X serait une évidence pour les amoureux de jeux vidéo. Douche froide, déception et inquiétudes ont finalement eu plus de poids que la 4K HDR à 60 images par seconde en World Premiere. Récit et analyse de la situation délicate d’un géant en gros manque d’inspiration.
Une conférence low-cost pour Microsoft à la Gamescom 2017
Alors que tout le monde, y compris nous, s’attendait à suivre une conférence au format classique, comme ce que l’on peut voir en nombre à l’E3, Microsoft promettait auparavant sur Twitter quelque chose d’original qui surprendrait les joueurs. Nous pensions davantage à un contenu original, mais le constructeur de la Xbox One aura finalement choisi de faire un pré-show plutôt low-cost, rappelant davantage les Livecasts que l’on a pu suivre chez PlayStation et Twitch à l’E3 2017 qu’un show à la hauteur de la renommée du géant américain (et de son budget colossal).
Qu’importe le format, il ne faut de toutes façons pas forcément réserver un building à 500 000€ pour annoncer des jeux vidéo et montrer de quoi seront faits les prochains mois sur Xbox One, Windows 10 et Xbox One X, et cette formule était d’ailleurs plutôt familiale avec des animateurs sumpathiques recevant les acteurs majeurs de l’industrie des jeux vidéo.
Le vrai problème n’est donc pas le format de la « conférence » Gamescom 2017 de Microsoft, mais son contenu. Nous avons en effet eu l’impression de découvrir des petites choses qui seraient très bien passées en communiqué de presse par mail et sur Twitter, pour un spectacle vraiment soporifique, très plat, et manquant clairement d’ambition. On retiendra tout de même l’extrait de gameplay de Forza Motorsport 7 sur Xbox One X, l’annonce de l’édition Project Scorpio de la console, la version Minecraft Collector de la Xbox One S, l’anonce de Jurassic World Evolution, et quelques nouvelles de PlayerUnknown’s Battleground, Cuphead et autres jeux indépendants qui sortiront en premier sur l’écosystème Xbox, puis chez la concurrence. Sans oublier une petite démo de la customisation officielle des manettes, service déjà connus depuis plusieurs semaines, tout comme le Xbox Game Pass.
En bref, une « conférence » très pauvre en informations, et des séquences carrément inutiles comme celle dédiées à PUBG qui n’a même pas su nous donner une date de sortie plus précise que ce que nous savions déjà (fin 2017), ou, comble de l’ininspiration, des trailers que nous avions déjà vu à l’E3 2017 ! Si vous vous attendiez comme nous à voir Microsoft prendre le large un moment en l’absence de Sony et Nintendo, vous ne pourrez donc qu’être déçu de voir un constructeur qui ne sait plus « hyper » les foules comme c’était le cas à la belle époque des Xbox et Xbox 360. Pourtant, la console est un véritable bijou de technologie…
Xbox One X – Une console attirante et surpuissante
Ce n’était pas vraiment une surprise tant Microsoft communique sur la puissance de sa console depuis plusieurs mois, mais la Xbox One X a encore prouvé hier qu’elle en avait sous le capot. La plaçant davantage comme une console de nouvelle génération rétrocompatible Xbox One classique qu’une PS4 Pro estampillée Microsoft (c’est tout le but de la campagne marketing du constructeur, dont le message est clair), la machine fait envie. Courbes élégantes, fonctionnalités sexy, dashboard agréable, le produit est particulièrement bien chiadé et attise énormément les convoitises, là où la Xbox One version 2013 donnait un goût assez fade en bouche. L’unboxing de l’édition Scorpio par Major Nelson était d’ailleurs plutôt bien senti, histoire de faire voir « pour de vrai » à quoi ressemblera la bestiole que vous pourrez acheter dès le 7 novembre 2017 partout dans le monde, voire même la précommander dès maintenant pour être certain d’avoir cette édition « clin d’oeil » de la Xbox One X.
Des annonces intéressantes, mais multisupport
Nous ne reviendrons bien entendu pas sur la décision douloureuse de Microsoft ne plus faire d’exclusivités sur ses consoles au profit d’une parution simultanée, ou presque, sur les PC équipés de Windows 10. Mais voir une conférence d’un constructeur présenter en majorité des titres qui seront disponibles également sur PS4 est selon nous un aveux d’une situation créatrice compliquée. Après l’annulation de Scalebound et le report de Crackdown 3 à 2018, les seules cartouches de Microsoft ont été matérialisées par Forza 7, Age of Empire Remastered et … l’annonce d’une version complète de ReCore.
Même en essayant de berner les moins connaisseurs en martelant des World Premiere et Launch Exclusive à gogo, Microsoft ne nous leurre pas en présentant PUBG sur Xbox One, déjà disponible sur PC et de sortie également sur PS4 en 2018, ou encore lorsqu’il fait intervenir un développeur français d’Ubisoft pour parler de la version Xbox One X d’Assassin’s Creed Origins. La seule véritable surprise, outre Forza 7, aura donc été de découvrir davantage State of Decay 2 qui s’annonce beaucoup plus ambitieux que la première itération. Un peu maigrichon.
Où sont les system-sellers de la Xbox One ?
On ne peut absolument pas dire que Microsoft ne produit plus d’exclusivités. Seuls les trolls ayant perdu leur objectivité dans leurs actions imaginaires chez Sony et Nintendo moqueront Microsoft sur ce sujet. En effet, si les années passées sont moins fastes en hits qu’à l’ère Xbox 360, le constructeur de la Xbox One a quand même vu du ReCore, du Forza, un excellent Gears of War, du Halo, Quantum Break et autres titres exclusifs intéressants. 2017 et 2018 seront d’ailleurs elles aussi des années un peu fournies en exclusivités de la sortie de Forza 7 à celles de Crackdown 3 en passant par Sea of Thieves et State of Decay 2. Mais le gros problème est bel et bien qu’aucun de ces titres ne s’affirment comme des jeux capables de vendre des millions de consoles.
Même sans aborder les titres exclusifs de la concurrence, force est de constater que le trio magique Halo / Gears / Forza ne fait plus autant rêver qu’à l’époque de la 360. La faute à des suites qui n’arrivent pas autant à capter l’attention des joueurs qu’un Anthem, Assassin’s Creed Chronicles, Resident Evil, Call of Duty, Battlefield, The Last of Us 2, Horizon: Zero Dawn, Spider-Man, Zelda, Xenoblade ou encore Mario (et pourtant, le plombier sort des jeux depuis 30 ans…).
En clair, nous trouvons que Microsoft ne possède plus suffisamment de cartes en main pour faire rêver avec ses jeux exclusifs qui donnent pourtant le ton, et l’identité d’un constructeur. Certes, la console fera tourner les jeux multisupport comme aucune autre avec sa puissance très attractive, mais nous trouvons urgent que Microsoft réagisse et fasse au moins aussi bien que Nintendo et Sony qui dévoilent chaque année des titres qu’on ne trouvera pas ailleurs. Un cercle vertueux de system-sellers doit absolument reprendre comme à l’époque de la Xbox 360 si Microsoft ne veut pas voir sa Xbox One X se faire traiter de PC du pauvre.
L’identité de Microsoft part en fumée depuis 2013
A la sortie de sa PS3 en 2007, Sony partait sur un mauvais départ. Console trop chère, jeux exclusifs peu attractifs, politique ultra dédaigneuse menée par un Ken Kutaragi hautain et à la limite de la mythomanie couplé à d’autres déboires du lancement avaient ensuite laissé place à la renaissance d’une machine qui s’était refaite une santé en envoyant du lourd. Chez Microsoft, après une génération menée tambour battant par la Xbox 360 qui rivalisait avec la PlayStation 3, le scénario de 2007 vécu par Sony s’installe sur la longueur, ce qui n’est pas vraiment bon signe.
La Xbox One est très loin d’être un échec commercial et se vend plutôt bien face à une PS4 qui cartonne autant que la console de salon la plus vendue de tous les temps, la PlayStation 2, ce qui doit faire relativiser Microsoft. Ce n’est d’ailleurs pas cet aspect qui nous dérange chez Playerone.tv, mais plutôt la manière dont est menée la bataille et l’alimentation de la Xbox One depuis 2013.
En occultant le revirement de stratégie initial qui a fait beaucoup de mal au lancement de la console, on notera surtout un réel appauvrissement de l’offre de Microsoft depuis plus de quatre longues années. Sans remettre sur le tapis l’absence de gros jeux et nouvelles licences donnant envie d’acheter la console sur le champ, on notera surtout que la plupart des partenaires de Microsoft récupérés à l’ère Xbox 360 se sont fait la malle chez la concurrence. Exit les contenus temporaires pour Call of Duty, Star Wars Battlefront, tandis que les exclusivités définitives et temporaires n’ont jamais réussi à faire décoller les affaires de Microsoft, tout en se montrant beaucoup moins nombreuses. On se souviendra en effet d’EA qui déclarait après la sortie du premier Titanfall sur Xbox One, Xbox 360 et PC que les bénéfices de l’aspect exclusif du jeu n’avaient pas réussi à combler l’absence de sortie sur PS3 et PS4, ainsi que d’un Rise of the Tomb Raider qui s’est finalement beaucoup étouffé en sortant d’abord sur Xbox One pour se rattraper plus tard sur PC et PS4. Le jeu de Crystal Dynamics n’avait en effet pas les épaules de faire vendre des cartons de Xbox One auprès de joueurs PlayStation furieux de voir Microsoft « voler » une telle série restée multisupport de tous temps, ou presque.
Dans une volonté de charmer à nouveau les éditeurs et développeurs de manière massive, Microsoft a largement parié sur les sorties en Early Access (ARK: Survival Evolved et PUBG par exemple) pour mettre en avant sa Xbox One, tout en essayant d’imposer Windows 10 aux joueurs PC. Trop chers et souvent mal optimisés, les jeux tournant sous Windows 10 ne décollent pas, tandis que les possesseurs d’un bon PC gaming ne voient pas l’intérêt d’investir dans une Xbox One alors que leur machine fera tourner les mêmes jeux. Selon nous, au lieu d’avoir ouvert le marché avec Windows 10, Microsoft s’est fermé violemment dans la tronche une cible de joueurs qui serait peut-être passée par la case Xbox en voyant de beaux jeux tourner uniquement sur console. Une cascade de mauvaises décisions qui parasitent la Xbox One depuis sa sortie et qui l’empêche de donner le meilleur d’elle-même ?
Phil Spencer, le Satoru Iwata de Microsoft ?
A l’époque la Wii, puis de la Wii U, nous avions émis une critique acerbe sur le feu PDG de Nintendo, Satoru Iwata qui imposait sa vision beaucoup trop sectaire des jeux vidéo à des joueurs déçus qui en attendaient beaucoup plus. Concernant Microsoft, deux dirigeants sont visiblement la cause de la non confirmation de l’essai réussi Xbox 360 : Don Mattrick et Phil Spencer. Quand une nouvelle tête débarque à la direction d’un constructeur, il faut en général entre 3 et 4 ans pour pleinement voir les efforts se matérialiser, le temps que les équipes de développement donnent le meilleur d’elles-même et que les différents partenariats se dessinent.
Le premier, arrivé à la tête du département Xbox de Microsoft en 2007, a fait vivre à la Xbox 360 une fin de vie moins radieuse avec des jeux exclusifs qui se sont raréfiés, tandis que la période d’annonce et de pré-lancement de la Xbox One a été une véritable catastrophe vivante. Le désastre a d’ailleurs été tel pour Microsoft que Don Mattrick a été remercié en juillet 2013 après avoir dévoilé les pires cauchemars des joueurs avec une recette Xbox One critiquée en masse. Nous ne referons pas ce débât maintenant largement obsolète ici, mais il y avait pourtant du bon dans le cocktail original de la console. Le réel problème aura finalement été l’arrogance de Don Mattrick et son incapacité à exprimer clairement certaines choses, tout en allant trop loin dans la gestion des jeux vidéo d’occasion.
Quelques mois plus tard, le temps de réorganiser convenablement les étages supérieurs de la pyramide Xbox, Phil Spencer est nommé chef de la branche chez un Microsoft qui l’emploie depuis près de 20 ans. D’un naturel très communicatif, connaissant par coeur l’ecosystème Xbox et visiblement très déterminé, Phil Spencer est à l’origine des grosses décisions stratégiques de l’entreprise comme la volonté de sortir les jeux exclusifs sur Xbox One et Windows 10, tandis qu’il chapeaute également les équipes de développement interne de Microsoft. L’une des grandes missions de Phil Spencer à son arrivée à ce poste en mars 2014 était d’ailleurs de davantage axer la console sur les jeux vidéo, et moins sur le divertissement.
Mais après plus de 3 ans d’activité, nous constatons que les promesses ultra nombreuses faites par le directeur ne sont pas réalisées. Du milliard de dollars injecté dans des exclusivités Xbox One fantomatiques aux annonces disproportionnées avant les salons mondiaux en passant par des choix parfois curieux, Spencer ne semble pas du tout enclin à faire redémarrer la machine Xbox. Avec la One X, nous ne voyons pas vraiment d’évolutions majeures dans les stratégies commerciales et marketing de Microsoft qui continue de miser sur les mêmes valeurs sûres. La prise de risque est infime, d’où la sensation de ne jamais vraiment être surpris par le constructeur.
En l’espace de 4 années, Microsoft a énormément fait changer sa branche gaming, avec une Xbox One qui s’est cherchée assez longtemps avant de craquer sous les critiques des joueurs, pour finalement ne plus recevoir aucune exclusivité first party. La conséquence de cela est la sortie d’une Xbox One X attirante en tant que machine, mais qui souffre incroyablement de la comparaison avec une PS4 et une PS4 Pro qui se défoncent pour toujours tenter de faire rêver les joueurs avec des nouvelles expériences, nouvelles licences et autres tentatives pas toujours réussies, mais qui ont le mérite d’essayer de faire avancer notre loisir préféré.
La grande suffisance de Microsoft
Ce constat sur la situation actuelle de Microsoft, à l’aube de la sortie de sa Xbox One X n’est bien entendu pas motivée par une conférence low-cost décevante, mais le constat de quelques années de beaucoup moins bien pour le constructeur. Ayant toujours joués sur tous les supports disponibles sur le marché, nous regrettons énormément de voir l’identité Xbox s’éteindre à petit feu, à mesure que les consoles de Microsoft se sont fait enterrer par notre PC. En prenant un peu de recul et en grossissant le trait légèrement, nous avons l’impression de nous retrouver à l’époque de la chute de la Dreamcast en vivant avec un constructeur en moins qui exportait ses licences sur les machines de la concurrence. Nous n’en sommes bien évidemment pas à ce stade, la Xbox One X étant très prometteuse en termes de machine multisupport, mais nous trouvons dramatique d’acheter une console de jeux vidéo qui n’a rien d’autres à proposer que ce qu’on trouve partout ailleurs en 4K upscalée avec quelques features sympathiques. Faites nous rêver à nouveau avec des grands jeux et des productions originales, Microsoft !
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