Véritables monuments du jeu vidéo issus de l’ère Dreamcast, Shenmue et Shenmue II ne sont pourtant pas les oeuvres vidéoludiques les plus connues au monde. Disponibles au début des années 2000 sur la dernière console de SEGA, les deux volets sont ensuite restés sans suite pendant de longues années. Et alors que les fans n’y pensaient presque plus, Yu Suzuki a enfin officialisé le développement de Shenmue 3 via son studio Ys Net et l’aide financière de Sony et Shibuya Productions, en lieu et place d’un SEGA trop frileux pour y croire encore. Mais s’il n’y a jamais vraiment cru, l’ex-constructeur a bien vu que l’engouement autour de la renaissance de la saga de Ryo Hazuki sonnait comme une occasion en or pour capitaliser sur la sortie de Shenmue I & II HD, compilation elle aussi réclamée depuis l’ère Xbox 360 / PlayStation 3 par les fans. Une attente qui en valait la peine ?
Shenmue, qu’est-ce que c’est ?
Si les joueurs ayant possédé une console Dreamcast de SEGA peuvent dores et déjà sauter au paragraphe suivant, il nous paraît bon d’expliquer en quelques mots pourquoi la série Shenmue est autant adulée par les fans. A une époque où la 3D était encore perfectible, AM2, studio interne de SEGA, nous sortait l’un des jeux les plus évolués de son histoire. Même les plus beaux titres sur PC n’arrivaient pas à la cheville de Shenmue. Papa des jeux d’aventure en monde ouvert, et influenceur de bien des projets futurs, Shenmue nous proposait une vision du Japon des années 80 révolutionnaire de part sa liberté.
Sentiment inconnu pour l’époque, la liberté d’action était en effet totale : possibilité de regarder les objets, de les tenir en main, d’interagir avec une multitude d’élément du décors, modélisation en 3D parfaite des visages des personnages, PNJ qui ont tous un agenda et des activités précises, météo évolutive, cycle jour / nuit complet, mélange des genres (RPG, combat, aventure, exploration etc.), bref, Shenmue possède bon nombre d’ingrédients qui sont ensuite devenus des piliers des jeux vidéo modernes en open-world.
Outre ces détails techniques révolutionnaires en leur temps, Shenmue était également un maître dans la narration et la mise en scène, en proposant des scènes cinématiques somptueuses, et une histoire simple mais efficace : venger la mort du père de Ryo Hazuki, héros qui se lancera ensuite dans une quête initiatique finalement assez éloignée de la violence du traumatisme du Dojo dans Shenmue 1. Mais ce qui marquera surtout les joueurs au fer rouge sera ce suspens qui durera de 2001 à 2019 suite à la cinématique de fin de Shenmue 2. Une grotte qui aura en effet conservée ses secrets de la chute de l’empire SEGA au financement de Shenmue 3 par les fans de la série et d’une société française aidée de Sony.
Jouer à Shenmue en 2018
Dépourvues de second stick analogique, les manettes Dreamcast obligeaient les développeurs des deux opus à adapter un gameplay assez particulier pour profiter de la liberté du tout. Fort heureusement, l’équipe en charge des portages de Shenmue et Shenmue II sur PS4, Xbox One et PC ont réussi à optimiser les déplacements et gestes de Ryo Hazuki, en permettant à présent d’utiliser le stick droit pour se déplacer, et le stick gauche pour bouger la caméra. Quoi qu’il en soit, il faudra toujours presser une gâchette pour zoomer sur les objets et interagir avec eux, ce qui laisse tout de même une petite lourdeur lors des phases d’exploration. Rien de bien méchant, mais l’origine de la compilation est flagrante, tandis que les animations des personnages auraient elles aussi gagné à être un brin plus souples.
En termes de rythme, les deux Shenmue version 2018 profitent de temps de chargement incroyablement plus courts que ce qu’on avait sur Dreamcast (et Xbox pour Shenmue 2). En résulte des enchaînements bien plus rapides entre les zones des différents quartiers des deux aventures, et des actions plus percutantes. Enfin, à la question « est-ce que Shenmue a bien vieilli en termes de level design ? », nous répondrons par l’affirmative. Certes, les mécanismes paraissent aujourd’hui assez datés pour certains, mais outre le départ de Shenmue 1, l’aventure se dévore toujours de part en part avec grand plaisir. Ajoutons toutefois un bémol à ce constat, puisque votre serviteur ici présent a déjà limé les deux opus au moins 25 fois chacun, et qu’il serait intéressant de recueillir l’avis de joueurs n’ayant jamais touché à la série sur Dreamcast, et les découvrant en 2018 avec cette compilation HD.
Portage ? Remastered ?
Finalement, la seule déception que nous avons envers Shenmue I & II HD est à ranger du côté des graphismes de ces versions 2018. Nous ne nous attendions pas à la qualité graphique d’un Yakuza Kiwami 1 ou 2, qui sont, eux, des remakes, mais nous attendions un peu plus qu’un simple portage en 1080p à 30 FPS pour des oeuvres telles que Shenmue. Frileux jusqu’au bout, SEGA n’a en effet pas spécialement aligné les chèques pour nous proposer quelques fantaisies graphiques qui auraient pourtant fait du bien à des jeux datant tout de même de 1999 et 2001.
Les titres ressemblent alors beaucoup plus à des portages HD qu’à des éditions remastérisées, pour une angulosité des modèles 3D encore plus facilement détectable que sur Dreamcast. Nous vous proposons d’ailleurs ci-dessous de voir par vous-même les différences graphiques entre les versions d’origine et 2018, qui, outre quelques textures bien réhaussées comme les écritures des bâtiments et commerces / maisons, sont minimes si on met la résolution de côté.
Shenmue en français, 18 ans après
Pour les fans, et les curieux, Shenmue I & II HD est assurément la meilleure version à faire. Maintenant intégralement sous-titrés en français, les deux opus se mettent à jour pour traverser plus facilement les années à venir. On regrettera simplement le manque d’ambition de SEGA qui aurait du proposer si ce n’est deux remakes, au moins des versions plus soignées graphiquement de ce qui restera des mythes de l’industrie des jeux vidéo. Une manière parfaite pour attendre la sortie de Shenmue 3, sur PS4 et PC uniquement pour son compte, le titre n’étant pas édité par SEGA. The story goes on…
N.B : Concernant les compilations estampillées Remastered ou HD, nous attribuons la même note finale que celle reçue à l’époque de la sortie du ou des jeux, sauf si de gros problèmes techniques non présents initialement interviennent. Seules les notes intermédiaires peuvent évoluer selon les changements effectués par les développeurs.
Verdict : 19 / 20