Test de Ori and the Blind Forest

Microsoft et les développeurs indépendants, c’est une grande histoire d’amour depuis la Xbox 360 qui a vu éclore bon nombre de chefs-d’œuvre. Avec des conditions revues à la hausse, le programme Id Xbox sur Xbox One reste encore un peu muet en ce début de génération, bien que les nombreux jeux de bonne qualité soient présents sur le marché virtuel de la dernière née de Microsoft. Un jeu a rapidement tapé dans l’œil des joueurs et de la presse lors de sa première présentation, c’est Ori and The Blind Forest.  Avec une direction artistique à tomber, il suffisait maintenant de valider les exploits artistiques par un gameplay qui aille de pair. Ne faisant aucunement pâle figue aux côtés des AAA de la console de Microsoft, ce jeu indépendant développé par Moon Studios et dont les difficultés de développement ont pu en inquiéter plus d’un, sort enfin ce mercredi 11 mars 2015. Et qui aurait cru que cette date aurait pu voir apparaître l’un des meilleurs jeux de plateforme de cette décennie et devenir le jeu culte que la Xbox One attend depuis quelques mois maintenant ?

Ori and the Blind Forest commence d’une manière très intense. Il n’est pas question de lâcher le joueur dès les premières minutes mais de le faire tenir jusqu’au bout. La patte artistique instaurée suite au contexte d’introduction vous met directement dans le bain, impossible de lâcher la manette. C’est parti, l’aventure de Ori commence et le gros « Waouahh Effect » vous colle déjà une première baffe autant technique que artistique. Ori and the Blind Forest vous décolle la mâchoire car tout y est, d’une réalisation technique qui, certes, nécessite moins de ressources qu’un AAA qui tâche, mais combiné à une direction artistique qui a été léché jusqu’au derniers détails, c’est un vrai bijou visuel que livre Moon Studios. L’intégralité des éléments ont une vie dans Ori and the Blind Forest, il y a constamment quelque chose qui bouge, qui reproduit au possible un monde vivant ultra immersif.

Et que dire des couleurs chaleureuses, des différents environnements visités allant des montagnes aux grottes souterraines, en passant par des marais ou encore dans des ruines, qui donnent en plus d’un sentiment de diversité très plaisant, une âme dans chaque tableau que l’on traverse et qui sans cesse vous fera hésiter entre véritable dessin animé interactif ou jeu vidéo tant la différence est infime. Allez, histoire de faire la fine bouche, et encore on se force, certains ralentissements peuvent subvenir, notamment, dans certains passages où justement le gameplay nous demandent d’être réactif au dixième de seconde et qu’à cause d’un petit ralentissement, vous perdez votre accroche. Rassurez-vous, rien de bien dramatique.

Et que dire la bande sonore ? Qu’elle est simplement à l’image du résultat visuel et qu’elle s’intègre non pas parfaitement, mais que sans elle, l’expérience n’est plus la même. Parfois orchestre symphonique, parfois musique d’ambiance très douce et reposante, parfois plus rythmée selon certaines séquences, une vraie maîtrise de la bande son habille Ori And The Blind Forest, dont le thème principal ne sera pas oublié de sitôt tant elle est grandiose. Et si les musiques font le job de manière exemplaire, les bruitages et bruits d’animations sont tout aussi soignés, avec des sonorités vraiment intéressantes et parfois très drôles, qui nous donnent la banane quand il le faut.

  

Pour autant, si le travail du studio n’était que de faire un jeu visuellement très beau comme certains autres studios savent le faire, question gameplay, on est aussi sur du très haut niveau. A mi-chemin entre Rayman et Metroid, Ori And The blind Forest est tout autant un jeu de plateforme ultra poussé et très punitif, mais aussi un petit shooter sympa (attention, tout est relatif) et qui donne certains moments d’actions vraiment bienvenus basés sur un level design Metroidesque. Car oui, Ori And The Blind Forest est un jeu exigeant contrairement à ce qu’il pouvait laisser transparaitre. Le principe de progression est plutôt simple, vous mourrez, vous réesayez, et on s’aperçoit très vite que les développeurs avaient envie de jouer avec les joueurs en leur donnant du fil à retordre dans certains passages qui rappellent bien évidemment les reboot de Rayman. 

Moon Studios ne se cache pas pour avouer que le reboot de Michel Ancel les a énormément inspiré pour Ori and The Blind Forest, via certaines séquences très millimétrées où la moindre infime erreur se paye cash. Car oui, en premier run, c’est plus d’une centaine de fois que vous allez mourir, par mégarde, ou dans une coulée de lave, bouffé par un piranhas. Et des façons de mourir, vous allez probablement toutes devoir les vivre pour arriver au bout de l’aventure. Car, si sauter avec le bouton A et tirer avec le bouton X se révèle être plutôt simple sur le papier, Moon Studios a décidé de changé un peu la recette du jeu de plateforme en se démarquant via 2 points qui va faire réfléchir plus d’un studio tant le résultat est au rendez-vous.

Tout d’abord, à l’instar d’autres jeux de la même catégorie, la gestion de la sauvegarde est laissée intégralement au joueur, en abandonnant donc intégralement les checkpoints. En plus de briser les progressions tranquilles, les sauvegardes sont gérées via de la magie qu’il sera possible de récupérer tout au long du jeu, soit via des orbes de magie cachées un peu partout dans le décor ou avec un peu de chance en le lootant sur le dos d’un monstre. Ce genre d’ajout, complique un peu la tâche car il ne s’agit pas de trouver un checkpoint à 3 mètres de votre position et de recommencer incessamment les mêmes actions prévues par les développeurs, mais c’est ici au joueur de surveiller les derniers endroits où il a sauvegardé. En résulte une petite dimension stratégique bien sympathique, et qui, vous fera réfléchir à quand sauvegarder pour ne pas tout refaire à chaque fois que vous tomberez sur des épines alors que vous n’aviez pas vu un monstre. C’est quitte ou double et le joueur en prend pour son grade au début, car le jeu n’hésitera pas à tout vous faire recommencer de très loin si par mégarde vous avez oublié d’en mettre un nouveau juste derrière vous. Bien évidemment, les zones un peu hostiles, les zones où il y a des ennemis ne font pas partis des zones autorisées pour sauvegarder et il faudra trouver un petit coin sympa sans grand danger pour planter votre point de respawn.

  

Deuxième belle trouvaille, c’est celle des donjons. En effet, Ori and the Blind Forest, en plus de ces quelques zones, s’accompagne de donjons assez différents, un peu à la manière d’un Zelda. Il suffira donc de retrouver un objet, d’en sortir, et comme bien souvent, il est bien plus compliqué d’en sortir que d’y rentrer. Interviennent alors quelques prises de têtes à regarder votre carte constamment pour vous situer et trouver le chemin de la sortie. De plus, il possible de revenir sur ses pas et donc de faire machine arrière régulièrement quitte à ne pas s’en apercevoir. N’ayez craintes toutefois, il n’est pas question d’un gigantesque open world ou vous allez vous perdre, mais il arrivera probablement que certains passages soient bien cachés et qu’il faillent fouiller un peu avant de trouver la bonne route.  

Quant à la construction du jeu, en réalité, comme évoqué ci-dessus, le jeu est entièrement revisitable (attention, plus une fois à la fin du jeu) au moment où vous le souhaitez. Ainsi, toutes les zones visitées seront indiquées sur votre carte et il sera possible de reprendre le chemin inverse ou un raccourci pour revenir vers ses anciennes zones, notamment si vous n’avez pas eu l ‘occasion d’aller récupérer toutes les orbes pour booster votre personnage. C’est donc comme un cercle vicieux dont est construit Ori, qui par moment, vous donnera quelques sourires quand vous vous direz que « oui je suis passé par là ya 2/3 heures et que j’en ai vraiment bien souffert pour passer. » Attention, comme précisé ci-dessus, le jeu n’est plus visitable après la fin du jeu intégralement. Il faudra donc créer une nouvelle sauvegarde et recommencer si vous n’avez pas eu le courage de tous aller chercher au premier run. Prenez garde donc au jeu terminé à la fin à 99% et que ce dernier pourcent est désormais inaccessible avec votre sauvegarde.

Un système de compétence est également présent pour pousser le joueur à augmenter le maximum de facultés possibles. Trois familles distinctes de compétences, passant de la force en augmentant votre puissance de frappe à la perception des objets dans le décor, plus facile lorsque cette compétence est bien montée, mais aussi la possibilité d’augmenter via ce même système le ratio de vies collectées et la diminution de l’utilisation de votre magie, notamment pour les sauvegardes ou les frappes plus lourdes nécessitant un peu de votre magie. Les compétences citées ci-dessus étant au souhait du joueur, d’autres améliorations seront débloquées de base au fur et à mesure de l’aventure. En plus des habituels double saut, courir sur les parois déjà vu ou encore le fait de pouvoir voler pendant un temps donné dans les airs ne révolutionnent pas le genre, d’autres plus subtiles sont très bien pensées, notamment la frappe qui permet de rediriger les projectiles ennemis ou encore de s’en servir comme point d’accroche. Ainsi, via ces compétences, le jeu s’intensifie et vous demandera à chaque fois, par la dernière compétence acquise, d’utiliser chaque nouvelle compétence en complément de celles déjà apprises auparavant. On se retrouve donc tout le temps devant des énigmes très bien pensées et un level design au poil et millimétré pour pouvoir justement faire remarquer au joueur que chaque nouvelle compétence a son lot de subtilité. Une telle complémentarité munie d’un level design au poil fait de l’aventure Ori and the Blind Forest une véritable démonstration d’architecture et de game design. Chapeau.

Pour terminer,  on notera que le jeu se base sur une durée de vie d’une dizaine d’heures, un peu plus chez nous pour le test, et qu’une certaine rejouabilité peut être de mise si vous êtes speed-runer, ou que vous aimez finir les jeux de plateformes sans mourir une seule fois (bon courage d’ailleurs…). Au tarif proposé de 19,99€ sur Steam et sur le Xbox Live, on ne se fou pas de votre tête au vu du contenu fourni et du prix affiché.

  

Ori And The Blind Forest promettait beaucoup. Plus que des promesses, c’est une véritable démonstration que livre Moon Studios avec ce titre, rassemblant le meilleur de chaque idée prise pour le recycler à sa manière, avec brillo et génie, surtout pour le level design. Personne ne sortira indemne de cette expérience, qu’on mène tambour battant dès les premières minutes, pour finir sur un final en apothéose qui termine une histoire qu’on aimerait ne voir jamais s’arrêter. Une beauté visuelle sans nom, une bande son magistrale, un game design maitrisé, une narration inspirée et un joueur qui ne décroche pas malgré les quelques passages de frustration et de difficulté redoutable. Ori and The Blind Forest constitue donc une expérience de choix et mérite d’être vécue au moins une fois. Bravo Moon Studios, voici votre ticket pour avoir conçu potentiellement l’un des jeux de l’année 2015…

Verdict : 18 / 20

  • Sadako

    Journaliste gaming et high-tech depuis 2009, je suis "Vanlifer" depuis 2021, dans mon camping-car équipé pour travailler sur les routes tout comme pour profiter de bons moments de détente !

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