Le film de Steven Spielberg, Ready Player One, se veut un hommage à la culture populaire. Cinéma, manga, jeu vidéo, les références sont innombrables dans le long-métrage du réalisateur oscarisé. Dans le futur, la population oublie le quotidien difficile dans une réalité virtuelle, l’Oasis. Dans une course effrénée pour le contrôle du monde de pixels, il devra accomplir des épreuves. La dernière, celle qui scelle sa victoire, est un jeu vidéo. Pourtant, loin de devoir gagner, le héros comprend qu’il faut qu’il trouve l’easter egg du jeu, une sorte de message caché au sein du jeu.
Si le film se termine sur cette épreuve, ce n’est pas pour rien.
Les easter eggs sont au cœur des traditions du jeu vidéo. Pourquoi ? C’est ce que nous allons tenter de comprendre.
S’inscrire dans l’histoire des arts
De tout temps, les arts ont rendu hommage les uns aux autres. La littérature regorge de références à des auteurs que les écrivains admiraient par exemple. En peinture, des scènes de l’Iliade ou de la mythologie grecque ont été peintes des milliers d’années plus tard. Des symphonies ont été composées avec pour base une œuvre majeure de la littérature.
En somme, les arts sont toujours interconnectés. Ils s’influencent de par leurs existences même. Sans prendre toute l’essence d’une œuvre, on peut légèrement s’en inspirer. Souvent, ces hommages étaient dissimulés ou visibles que pour les connaisseurs. C’était simplement pour le clin d’œil amusé ou la pique discrète. L’easter egg prend un peu des deux façons de procéder. C’est un message caché, mais qui revendique une influence certaine.
La tradition des easter eggs ne risque pas de disparaître malgré l’avancée de la technologie en termes d’immersion.
Revendiquer un héritage
La grande différence avec les anciennes références que pouvaient se glisser les scientifiques, les philosophes, ou les artistes, est bien qu’ici, l’hommage est pleinement assumé. Le jeu vidéo est un gouffre qui aspire les arts pour se les approprier et il ne s’en cache pas. Le jeu Cyberpunk 2077 est ainsi bourré d’easter eggs en tout genre.
Que ce soient des hommages au jeu codé, au cinéma, à la littérature, au comics, toute la culture populaire y passe. En pénétrant dans une maison par exemple, vous pourrez tomber nez à nez avec deux Terminator T-800 en train de faire une partie de poker. L’un des robots demandera le silence dans une menace très perceptible. Sans doute, ne veut-il pas être dérangé pendant qu’il élabore sa stratégie pour remporter la victoire. Si on ne peut pas lui parler ensuite, la scène prête forcément à sourire. Et ce n’est qu’un petit clin d’œil parmi tant d’autres. Pourquoi ? Parce que Cyberpunk puise dans de multiples arts pour construire son univers.
C’est bien le propre du jeu vidéo qui est un art qui en regroupe plusieurs autres.
Le 10e art
Le jeu vidéo est un art hybride. De la musique y est présente, des images en mouvements comme dans le cinéma. Il peut y avoir des livres à lire à l’intérieur. Ainsi, dans le légendaire Skyrim, un des très nombreux romans est écrit à la manière des « Livres dont vous êtes le héros », très lointains ancêtres des RPG les plus modernes.
En soi, le jeu vidéo n’est qu’un agglomérat des autres arts et de par ce fait simple, il a choisi de l’assumer totalement.
Dans ce contexte, les easter eggs ne sont que les témoins de l’essence même de ce qu’est le jeu vidéo. En tant qu’héritier d’une culture dont elle s’inspire sans discontinuer, l’industrie vidéoludique pose un peu partout les traces de ce qui fait la culture populaire.
La Licence Assassin’s Creed s’inspire directement de l’architecture réelle et des événements historiques pour ses jeux.
Un échange qui peut tourner en rond
Il existe pourtant un danger, celui de ne plus s’inspirer, mais de faire de vulgaires copier-collers des œuvres. Les adaptations de licences cinématographiques ont souvent eu la mauvaise réputation d’être des jeux pour vendre. Si aujourd’hui quelques jeux ont relevé la barre des adaptations comme les très bons Batman, le principe ici est vicié par l’appât du gain.
S’inspirer, ce n’est pas simplement faire un plagiat, et c’est justement tout l’intérêt des easter eggs. Il s’agit de rappeler une des inspirations du jeu. Il faut donc que ce soit surprenant. L’easter egg revendique l’hommage. Or, les adaptations sans âme n’ont justement pas d’inspiration et créer un easter egg ne ferait que dévoiler ce qui est déjà évident.