La scène indépendante serait-elle finalement la nouvelle scène à la mode ? De Limbo à Inside en passant par Unravel, les jeux indés parfois édités et financés par des pontes de la sphère vidéo ludique type EA ou Sony, brillent très souvent par leur qualité et leur volonté de se démarquer des grands triple A. Limbo avait en son temps marqué les âmes les plus poétiques d’entre vous, grâce à une patte graphique et colorimétrique des mieux choisies, alors que 6 ans après, Unravel délectait nos pupilles de gamers désabusés et venait s’ajouter à la liste des jeux indés qui valent le coup de manette. La question qui se pose alors pour les suédois de chez Tarsier Studios, est de savoir si, d’un geste allongé et gracieux, il convient d’ajouter Little Nightmares, à cette liste exclusive des jeux indés à posséder. Réponse dans ce test de la version éditeur du jeu.
Evolutions sans révolution
Dans un espace restreint, un petit être menu et chétif tente de se libérer des griffes d’ennemis retors et diablement astucieux. Bien que cette phrase est en fait dédiée à résumer Inside, la pépite pondue par Playdead studios, il s’avère que cette description scénaristique sied plutôt bien à l’histoire de Little Nightmares. A quelques points près : le joueur incarne en fait Six une fillette armée d’un superbe K-way jaune fluo et d’un briquet, qui sera d’ailleurs votre seule arme dans le jeu. La pauvre demoiselle se trouve enfermée, sans que l’on ne sache vraiment pourquoi, dans un espace assez clos et peuplé des monstres les plus déroutants. Son but alors, et vous vous en doutez bien : retrouver au plus vite sa liberté perdue. Dans le rayon des points communs avec Inside, on retrouvera également un mécanique de gameplay plateforme qui a fait ses preuves. Qu’on se le dise, Little Nightmares repose à 90% sur des énigmes environnementales, même s’il ne se refuse jamais le luxe de quelques phases bien senties d’action modérée. Tout comme dans Inside, le dernier né des studios Tarsier repose nécessairement sur la capacité du joueur à emmener Six de gauche à droite de l’écran. Pour se faire, la palette d’animation de notre héroïne prévoit sauts et escalade entrecoupées de jets de projectiles.
L’environnement dans lequel évolue la gamine détient une place prépondérante, et il est difficile de ne pas saluer l’expertise des studios de Malmö sur ce point : la variété du level design ainsi que son extrême adaptabilité contribuent grandement au fait que le joueur ne s’ennuie jamais en évoluant aux côtés de Six. Qu’importe alors, si le concept en lui-même est nécessairement redondant, puisque le jeu parvient à renouveler son décor et ses énigmes avec brio. Quant à la palette de couleurs, elle glisse subtilement vers des couleurs plus colorées au fur et à mesure que le joueur avance dans le jeu. D’une dualité de couleurs noire et blanche au début, on passe ensuite vers des couleurs plus chaudes et moins amères, pour arriver à la fin vers le tapageusement brillant. Si l’on reste sur le thème de la gradation ascendante, Six n’est pas en reste. Ce test garanti sans spoil n’ira pas plus loin sur ce point, mais sachez en tout cas que l’histoire, bien que dénuée de cinématiques et de dialogues, réserve sa part de retournement de situation, tout autant que s’extirpe une certaine poésie. Le bestiaire des ennemis, bien que réduit au strict minimum participe lui aussi à l’évolution grandiloquente de Little Nightmares en grandeur comme en nombre. Bref, d’un début un peu timide qui a du mal à faire oublier les caïds indépendants, Little Nightmares déboutonne la chemise et montre les griffes pour ne vous laisser aucune chance de vous échapper de l’étreinte d’un univers et d’une ambiance magistralement orchestrés.
Délicieusement cauchemardesque
L’immensité du décor et la grandeur de la tâche qui incombe à Six se reflètent autant dans la taille des ennemis auxquels nous devons échapper que dans l’ambiance générale du jeu, qui frise à bien des égards l’excellence. Chef d’œuvre minimaliste en puissance, Little Nightmares prouve une nouvelle fois que la force d’un univers, quand il est maitrisé avec brio, l’emporte toujours sur la qualité technique. Vendu : le jeu ne dispose pas d’atouts techniques indéniables. Pire encore, il se paye parfois le luxe de se flanquer de bug de collisions et sonores franchement frustrants, un peu à l’image du caïd de la cour d’école qui peut se permettre d’avoir des boutons tellement il a de charisme. Pour Little Nightmares, l’idée est vraiment la même. La première heure de jeu sera pénible, la faute à un gameplay difficile à appréhender et à une inertie du personnage assez accrue pour une fillette de l’âge de Six. Mais une fois la stupeur des premiers défauts effacée, Little Nightmares vous enveloppera dans un univers délicieusement cauchemardesque, ou l’enchantement côtoie la terreur, ou la beauté tend à chaque instant la main à l’horreur. Pour finir, la bande son tantôt emphatique, tantôt discrète, vient ponctuer avec maestria ce bel ensemble.
Cet univers fortement empreint de la patte artistique de Tim Burton ne plaira pour sûr pas à tout le monde. Sa technique en dents de scie, la relative aisance avec laquelle les énigmes se résolvent et la première heure difficile à surpasser auront raison de la volonté éphémère de certains d’entre vous. Pour ceux qui resteront en revanche, ils trouveront en Little Nightmares la patte artistique d’un jeu purement indépendant à l’ambiance divinement terrifiante.
Pour ceux là, Little Nightmares s’apparenterait presque à un rêve éveillé.
Verdict : 16 / 20