Attendue par les joueurs depuis 2012 , la suite logique de Dishonored 1 s’est confortablement installée sur les étagères (virtuelles ou non) des enseignes vidéoludiques. L’occasion pour Playerone.tv de se pencher en profondeur sur cette suite tant espérée par les joueurs du premier opus, tant celui-ci avait enthousiasmé les foules. Reste à savoir si ce deuxième affranchissement du jeu de l’année 2013 marche dans les pas de son frère ou si, au contraire, il ne parvient pas à se délester de son ombre.
Le cul entre deux chaises
Véritable chouchou de la critique vidéoludique, propulsé au rang très prisé du jeu de l’année, Dishonored 1 avait surpassé avec autant de complaisance que de surprise toutes les attentes qui n’étaient pas placées en lui.
Et c’est bien là le fond du problème, et la problématique qui s’échappe de ce test. Les attentes étant beaucoup plus hautes maintenant que l’on connaît le potentiel d’Arkane, Dishonored 2 se trouve dans une position bien inconfortable : surprendre sans brusquer, renouveler sans déboussoler, changer en respectant son héritage. En un mot comme en cent : le cul entre deux chaises, Dishonored 2 se doit de plaire en jouant à moitié sur un tableau qu’il n’a pour l’instant pas encore peint.
Comment alors Arkane parvient à nous faire croire que ce Dishonored 2 est une nouvelle aventure, une nouvelle expérience qui vaut notre attention, tout autant que nos louanges ?
La première chose vient de l’audio. Soucieux de donner à Corvo la place qu’il mérite, le studio lyonnais a finalement donné à son personnage principal la voix à laquelle il aspire. Bien plus que ça, il semblerait que les développeurs y soient allés un peu trop fort, notamment avec la voix en VO qui sonne vraiment stéréotype de série B : rauque et sombre, la voix de Corvo ressemble en fait à celle de Gérard Darmon, mais avec environ 45 clopes par jour en plus. Même si l’on s’y fait, en grande partie parce que Corvo a la parole facile et à ce titre rattrape les heures de jeu pendant lesquelles il n’avait pas parlé dans le 1, il subsiste encore des moments où il est difficile de ne pas s’agacer de cette voix presque sortie d’outre-tombe.
La deuxième très grande nouveauté avancée par Arkane est la présence d’une autre protagoniste principale, en la personne d’Emilie. Le pendant virtuel à ce nouveau personnage est bien évidemment de nouveaux pouvoirs. Ainsi, le joueur pourra profiter du « domino », qui permet de lier le destin de plusieurs ennemis (en gros de tuer deux ou trois ennemis avec une balle / flèche), « far reach » (le contrepoids d’Emilie au « blink » de Corvo) , le « mesmerize » qui fait perdre la tête à vos opposants, le « shadow walk » qui transforme Emilie en ombre furtive et enfin le « doppelganger » qui crée un clone d’Emilie dans le but de faire diversion. Par ailleurs il est important de noter que l’action se passe désormais dans deux villes : Dunwall et Karnaca, la petite nouvelle. Nous reviendrons plus tard.
Attention cependant, il ne sera pas possible de changer de personnage à la volée. Le jeu commence avec une scène au ralenti qui vous demandera directement avec qui vous voulez compléter l’aventure, et vous devrez prêter allégeance à ce personnage jusqu’à la fin de votre campagne solo. Une fois terminé, Dishonored 2 vous invite donc à reprendre une part du gâteau mais avec l’autre personnage cette fois-ci. Subtile subterfuge, vous en conviendrez, pour allonger une durée de vie qui dépend déjà grandement du bon vouloir du joueur.
Au-delà de ces nouveautés, la formule Dishonored 1 a été réintégrée dans le 2, à la différence de quelques petites touches pas désagréables, comme la possibilité de casser certaines portes, ou de regarder par la serrure. Pour les joueurs qui attendent un réel changement d’idées, de valeurs, ou de gameplay, difficile de valoriser ce Dishonored 2 qui semble en fait faire exactement la même pointure que son grand frère et dont les pas dans la neige sont indissociables de ceux du 1.
I.A (Inintelligence Artificielle)
Que ceux qui ont les dents qui crissent à l’idée de revoir les mêmes défauts qui lestaient Dishonored premier du nom, à savoir une I.A sortie tout droit d’un marché aux puces, et des graphismes bof-bof ne se rassurent pas. Il semblerait bien qu’un bundle incluant les qualités du premier avec ses défauts ait été de mise.
Après réflexion, pardonnez l’hyperbole insensible : Il est injuste de dire que zéro progrès ont été faits au niveau de l’I.A. Il s’agirait plutôt d’avancer le fait que celle-ci soit très inégale, comme signalé d’ailleurs dans la preview en septembre dernier. Le système de détection a été, nous-a-t-on dit, entièrement revu mais s’avère pour le moins classique. Si un ennemi vous voit, un éclair se remplira peu à peu au fur et à mesure que vous restez découvert, jusqu’à finalement devenir rouge, une fois que les ennemis sont en alerte. Sur le papier, ce système, bien que peu original, fonctionne plutôt bien. Dans la pratique, en revanche, les PNC oscillent entre tatillons (voire même carrément maniaques) et laxistes au point d’oublier que vous êtes assis derrière eux depuis cinq minutes. Pour exemple, certains gardes repèreront volontiers une banane ou une pomme qui s’est malencontreusement retrouvée dans l’estomac du joueur, et sonneront même parfois l’alerte, mais auront du mal à regarder au-dessus d’eux, ou à contourner un poteau d’électricité. Même topo pour les portes ouvertes, qui, si elles ne sont pas refermées, seront autant de signes de votre passage. En revanche, un coup de feu éveillera le soldat devant vous, mais ne dérangera que rarement celui qui se trouve dans la salle d’à côté. La détection des corps, en revanche, marche à merveille, même si on aurait aimé qu’elle soit plus lisible. Il nous est arrivé pas mal de fois d’avoir été sanctionné a posteriori d’un corps que nous n’avions pas caché, notamment dans le résumé de la partie qui s’affiche une fois une mission entièrement terminée.
Graphiquement, le jeu peut se targuer de bénéficier d’un tout nouveau moteur, le « Void Engine ». Dans les faits cependant, même s’il serait faux de dire que le jeu est un calque du 1, l’humeur n’est pas non plus à l’extase. Avant de procéder à l’énumération malheureuse des défauts techniques, il convient de rappeler que la version que nous avons essayée n’a pas bénéficié du patch day one de 9,1 Go. Les défauts ci-après ont donc sans doute été corrigés depuis. Pour faire court, le framerate est souvent un peu capricieux, ce qui est d’autant moins excusable que la distance d’affichage n’est pas non plus incroyable, avec beaucoup de brouillard artificiel pour couronner le tout. Le pire cependant reste le champ de vision sur PS4 qui est juste insupportable : très peu d’espace pour se reculer, ce qui selon le type d’ennemi (et notamment les animaux) peut s’avérer très problématique. Resté le nez collé aux textures, qui ne bénéficient pas en plus d’un soin particulier, est souvent extrêmement agaçant.
Vous l’aurez compris, ce Dishonored 2 n’est pas exempt de défauts, mais vous qui lisez en diagonale et qui connaissez certainement déjà la note finale, vous avez certainement cette question pendue au bout de la langue…
Jouer à Dishonored 2, voir Karnaca et mourir
« Le cœur à ses raisons que la raison ne connaît point » nous a dit Pascal après avoir joué à Dishonored 2. Même orné de défauts aussi exaspérants que contrariants, il réside un plaisir qui n’est réservé qu’à une poignée de jeux élitistes : celui de jouer. Impossible alors, de ne pas donner à ce Dishonored 2 le crédit de sa réussite. Si techniquement, il y aurait des choses à redire à Dunwall et Karnaca, la maîtrise de la sphère artistique des studios d’Arkane est absolument incroyable. Karnaca est un bijou, une émeraude rondement polie et transcendée par l’immensité des possibilités qui s’offre au joueur. Tuyaux d’aération, toits, portes ouvertes, entrées destructibles, intérieur, extérieur, serres, trous de rats, passages secrets et fenêtres ouvertes seront autant d’alternatives pour se faufiler à travers les murs qui longent Karnaca. Bien que le jeu vous en laisse le choix, quelle erreur vous feriez que de vous hâter de finir le jeu et de quitter les beautés oniriques de Karnaca !
Tantôt charriée par les flots, tantôt secouée par des tempêtes de sable temporaires, la petite nouvelle de Dishonored 2 fait mouche : arpenter ses rues est un plaisir orgasmique. Tellement de choses à voir, tellement de zones à découvrir et un tel bonheur à la parcourir. Avec Naughty Dog, Arkane fait partie de ces studios qui ont un don inné : celui de faire vivre une ambiance et de donner vie à des décors grâce au soin du détail apporté. Certains districts de Karnaca sont ornés d’affiches, de tableaux, de tags, d’écriture sur les murs, comme autant de preuve qu’il y avait des gens avant vous, et que la vie à Karnaca ne se cantonne pas à votre seule présence. Ajoutez à cela une ambiance et des musiques qui s’imbriquent à merveille, et ce malgré les problemes de mixage audio et de chevauchement des dialogues que nous avons eu (encore une fois, probablement réglés avec le patch), et vous obtenez, encore une fois, ce qui se fait de meilleur en terme d’immersion et de DA. Simplement magique. Un coup de maître.
Pour conclure, il est difficile de ne pas aimer Dishonored 2. Même si ses défauts peuvent en rebuter certains, et en énerver beaucoup d’autres, il restera du second chef d’œuvre d’Arkane une chose : Une immensité nommée Karnaca. Qu’importe alors que les ennemis soient cons comme des poissons rouges (bonjour à la SPA), que le scénario comporte autant de surprise qu’un épisode de Navarro (bonjour à TF1) et que graphiquement, il ait autant de tares sur le visage que moi à 15 ans (bonjour à moi il y a 13 ans). Ce qu’il reste de Dishonored 2 c’est l’envie de vouloir y rejouer, de se replonger dans son ambiance enivrante et de redécouvrir, avec hâte et âpreté ce qui fait de ce Dishonored 2 une alléchante réussite. Oops, they did it again.
Verdict : 18 / 20