Test de Detroit: Become Human

De The Nomad à Beyond: Two Souls en passant par Heavy Rain et Fahrenheit, Quantic Dream s’est fait une sacré expérience dans le récit d’histoires touchantes, à haute dose de mise en scène cinématographique. A mi-chemin entre les jeux d’aventure et les films interactifs, les productions de David Cage et Guillaume de Fondaumière fascinent autant les amateurs d’expériences vidéoludiques différentes qu’elles ne dérangent les conservateurs qui ne jugent que par le gameplay pour vibrer devant leur écran. Après la sortie de Beyond: Two Souls sur PS3, le studio n’a jamais souhaité plier sous les critiques et les incompréhensions de certains joueurs pour se consacrer à un Detroit: Become Human fidèle aux convictions de ses créateurs. Le résultat ? Une aventure inoubliable que nous vous proposons de découvrir dans ce test de Detroit: Become Human réalisé sur PS4 Pro, via une clé PlayStation Store offerte par Sony France.

Un scénario jamais vu dans un jeu vidéo

Aborder le scénario d’un jeu qui mise autant sur son scénario pour emporter le joueur dans un test n’est jamais simple. Nous ferons donc le choix de ne vous présenter que vaguement les éléments en présence pour mieux décortiquer les mécanismes utilisés par Quantic Dream pour faire de Detroit: Become Human une expérience vidéoludique hors du commun. Dès les premières minutes du jeu, vous apprendrez à faire connaissance avec les trois Androïdes que vous dirigerez pendant l’aventure. Kara, « robot ménager » que l’on connaît depuis mars 2012 comme étant l’initiatrice du passage de démo technique à jeu à part entière, Markus, confident et auxiliaire de vie de Carl, un peintre à la santé fragile, et Connor, assistant policier conçu pour résoudre les enquêtes judiciaires les plus pointues.

Au fil des chapitres, les scénaristes choisissent de vous faire vivre les différentes histoires de ces trois Androïdes ultra charismatiques, tour à tour. Contrairement à un film qui se doit de rapidement dévoiler l’intrigue pour ne pas perdre son spectateur, la force d’un jeu vidéo est de pouvoir mettre à contribution le joueur sans forcément rentrer immédiatement dans le feu de l’action. Après une phase d’immersion très réussie par le début du jeu, Detroit: Become Human deviendra ensuite beaucoup plus philosophique, en abordant un thème jamais abordé sous cet angle dans un jeu vidéo : quand les machines prennent vie. L’action se renforcera d’ailleurs petit à petit, l’introduction étant beaucoup plus posée, visant à vous familiariser avec le monde créé par CyberLife et avec le gameplay de Detroit.

Les robots qui se rebellent contre leur créateur ? Ce schéma déjà-vu maintes et maintes fois n’est heureusement pas le but de Detroit: Become Human, qui pousse une approche philosophique et sociétale de notre futur bien plus profonde. Toujours aussi doué pour faire naître des émotions chez les joueurs, Quantic Dream fait à nouveau parler son talent naturel pour nous plonger en quelques minutes seulement dans un univers passionnant, intriguant, souvent flippant, mais qui soulève bien des questions sur ce que pourrait donner la technologie dans les années et siècles à venir.

Toujours sans vous spoiler les histoires de Kara, Markus et Connor, signalons un point qui nous a littéralement fasciné dans Detroit: Become Human : la faculté du jeu à toujours nous questionner en jouant, face à une production qui brise plusieurs tabous et qui se permet des séquences parfois très sombres en abordant des sujets sensibles sans censure. Contrairement à un Beyond: Two Souls qui peignait par moment dans des tableaux assez enfantins en abordant des thèmes de manière un peu maladroite, Detroit: Become Human est un jeu adulte, mature, et qui vous envoie tout ce que le monde peut faire de mieux et de pire en pleine tronche. Une vision presque apocalyptique de ce que nous vivons en ce moment avec des technologies toujours plus fines. Un simple mot : respect, Quantic Dream.

Une écriture qui frôle la perfection

Si vous ne l’aviez pas déjà compris, Detroit: Become Human possède effectivement un scénario ultra solide. Mais là où Heavy Rain et Beyond: Two Souls n’allaient pas aussi loin est bel et bien dans l’écriture de l’univers de cette nouvelle production. Quantic Dream nous a toujours habitué à de belles histoires bien racontées, mais sans imaginer non plus des mondes à part entière. Dans Detroit: Become Human, le concept de background prend tout son sens, et à mesure que vous avancerez dans les chapitres du jeu, vous ressentirez une vraie vision alternative (on l’espère !) du futur de la ville de Détroit, mais aussi du monde tout entier. 

Dans un monde où tout ne tourne plus qu’autour de CyberLife et ses avancées technologiques hallucinantes, la ville de Détroit apparaît comme le berceau du futur. Des affichages publics aux gadgets présents dans les maisons des habitants en passant par les véhicules, Quantic Dream a effectué un véritable travail de titan pour que l’univers du jeu soit le plus cohérent possible. Le résultat est tout bonnement divin, pour une aventure qui nous plonge immédiatement, et de manière durable, dans les méandres de l’innovation où notre propre cerveau parvient à se tromper entre ce qui est humain, et ce qui ne l’est pas.

Cette frontière entre le virtuel et le réel est d’ailleurs l’un des thèmes les plus puissants du jeu, qui apportera sans cesse des réflexions personnelles jamais soulevées dans un jeu vidéo jusqu’à présent. Mais si l’aventure Detroit: Become Human est aussi passionnante à suivre, c’est également grâce à une mise en scène qui compte parmi ce qui se fait de mieux dans les jeux vidéo, en empruntant toujours de nombreux codes à l’industrie du cinéma. Plans multiples pendant les scènes de gameplay, pendant les scènes cinématiques, choix qui immergent les joueurs dans l’histoire en jouant avec elle et évolutions des plans de chapitres sans bavure ni incohérence font de Detroit une aventure qui se vit du début à la fin sans le moindre problème de rythme.

Si l’on pouvait reprocher à Heavy Rain des petites failles scénaristiques çà et là suivant les choix du joueur, force est de constater que malgré un game design très alambiqué avec des embranchements hyper nombreux, Quantic Dream n’a pas perdu le nord dans les rues de Detroit. Que vous fassiez tel ou tel choix, le jeu retombera toujours sur ses pattes. Pour arriver à un tel résultat, quelques unes de vos décisions ne serviront pas à grand chose, ou ne changeront rien du tout, mais la manoeuvre passe très bien, voire même inaperçue pour le commun des mortels. En bref, tout ce qui touche de près ou de loin à l’écriture de Detroit: Become Human, à son charisme, à son background ou à sa mise en scène a été millimétré pour que le joueur vive au mieux son expérience. Du grand art !

Du sang bleu dans les veines

En développement depuis un petit paquet d’années maintenant, Detroit: Become Human a la lourde tâche de faire sa sortie après trois exclusivités PS4 qui ont repoussé les limites techniques de la console : Uncharted 4, Horizon: Zero Dawn et God of War. Si vous avez joué à Heavy Rain et Beyond: Two Souls à leur sortie, vous vous rappellerez alors certainement qu’ils comptaient parmi les plus beaux de leur époque, sur PS3. C’est donc sans surprise que l’on découvre des graphismes de haute volée pour Detroit: Become Human, autant sur PS4 que sur PS4 Pro. Si vous possédez la machine la plus puissante de Sony, sachez par ailleurs qu’elle vous permettra de basculer en 4K checkerboard-rendering, en laissant le titre s’exprimer à 30 images par seconde.

La modélisation des visages des personnages principaux est splendide, et fait apparaître des détails nombreux qu’il était impossible de voir dans les premiers titres de la console. Sans être le plus beau titre de la PS4, Detroit: Become Human est parmi les plus beaux actuellement disponibles. De rares tableaux seront un poil moins réussis techniquement, mais l’ensemble de l’aventure transpire la beauté via des textures fines et détaillées, des animations bien rendues, mais surtout grâce à des effets de lumière qui subliment encore plus la direction artistique futuriste prise par le Détroit de CyberLife des années 2035. Bref, le travail de motion capture a été réalisé dans les règles de l’art, pour une exclusivité PS4 qui affiche des choses sublimes, sans bug.

Un gameplay qui booste l’immersion

Si vous avez déjà joué à un jeu de Quantic Dream en dehors de The Nomad Soul sur PC ou Dreamcast, vous connaissez alors l’amour que porte le studio pour les QTE et les actions contextuelles diverses et variées. Disposant toujours d’un gameplay classique de jeu vidéo d’aventure, Detroit: Become Human vous laissera libre des mouvements de Kara, Markus et Connor, en apportant pour chaque Androïde des spécificités qui varieront les scènes de chaque chapitre.

Connor, agent de police robotique, rappelle un peu ce que proposait les lunettes futuristes (ARI) de Norman Jayden dans Heavy Rain, et pourra donc utiliser une vision spéciale, capable de trouver des indices sur les scènes de crime, et de rassembler les morceaux pour reconstituer les faits. De son côté, Markus pourra escalader des obstacles en analysant la meilleure trajectoire possible, tandis que Kara est plus basique et ne dispose que du « pouvoir » de mettre en lumière les éléments clés d’un environnement, tout comme les deux autres Androïdes.

En laissant tantôt les joueurs libres de leurs faits et gestes, puis en les assénants de grosses cinématiques interactives pour enfin les faire chercher des indices, le rythme de Detroit: Become Human permet un amusement sans temps mort. Les moments où vous devrez faire des choix décisifs pour l’évolution des chapitres suivants tombent d’ailleurs n’importe quand, sans être téléphonés, et sans que vous ne vous en rendiez même compte à certains moments. A la manière d’un bon film, et d’un bon jeu vidéo, aucun élément parasite ne vient casser l’immersion et la synergie que vous développerez avec les personnages que vous contrôlerez. Une osmose entre le gameplay, la mise en scène et le scénario qui fait plaisir à voir, et qui est l’une des rares marques d’excellents jeux vidéo.

Faites vos choix, écrivez VOTRE histoire

Après un Beyond: Two Souls qui insistait uniquement sur l’histoire de Jodie, Quantic Dream reprend un game design calqué sur celui de Heavy Rain et ses nombreux choix. Puissance mille. Là où un petit nombre de scènes influaient vraiment sur la fin de l’histoire du tueur aux Origamis, les chemins alternatifs de Detroit: Become Human sont ahurissants de quantité. Si certains chapitres sont plus simplistes, d’autres sont de véritables labyrinthes (jusqu’à 10 fois plus complexe que celui de la démo PlayStation Store) qui demanderont des heures et des heures de gameplay pour tous les voir.

Non seulement les parties seront toutes différentes selon vos choix, mais les répercutions seront bien plus précoces dans l’aventure que dans Heavy Rain. Comprenez par là que vos actes dans le chapitre 5 pourront avoir de lourds effets dans tous les autres chapitres, en bloquant des possibilités diverses et variées. L’effet papillon de Until Dawn, l’efficacité en plus. Autant dire que Detroit: Become Human a du être un sacré casse-tête pour les level designer afin que tout fasse sens, sans faire de bourdes liées à la cohérence du récit. C’est un sans faute, et la sensation de vivre sa propre histoire est palpable. Comme le dira d’ailleurs la charmante Androïde lors de votre premier run, nous vous conseillons nous aussi de vous laisser porter par le jeu, pour revenir plus tard sur les chapitres précédents pour voir les autres possibilités.

Terminer l’aventure vous prendra environ 13 heures, mais faire l’aventure au moins deux ou trois fois nous paraît indispensable pour prendre la mesure de toutes l’ampleur du projet en termes de chemins alternatifs et séquences de gameplay que vous auriez manqué à cause de certaines décisions. Du Shenmue dans les veines, ce Detroit: Become Human !

Une bande-son magistrale

Studio très mélomane dans l’âme, Quantic Dream a toujours su choisir des compositeurs hors paire pour ses productions. Là encore, on découvre des compositions magistrales dans Detroit: Become Human. Les thèmes des différents Androïdes se mélangent à la perfection avec les actions affichées à l’écran, pour des frissons qui sont provoqués également grâce à des mélodies très puissantes. Côté doublage, La Marque Rose signe encore une localisation en français exemplaire. Le ton est toujours approprié dans toutes les situations, et les acteurs ont fait corps avec les personnages pour un résultat à la hauteur de nos espérances. Une vraie référence du doublage français, pour un Detroit: Become Human qui n’a pas à rougir de la comparaison avec les localisations de films hollywoodiens.

Touchant, émouvant, troublant, inoubliable

L’appréciation d’une oeuvre comme Detroit: Become Human est plus que jamais soumise à subjectivité pour des raisons évidentes de degré de réception aux émotions et valeurs morales présentes dans le jeu, qui toucheront plus ou moins les joueurs. De notre côté, nous ne sommes pas près d’oublier l’aventure vécue dans ce dernier Quantic Dream. Déjà bouleversés par une enquête de Heavy Rain qui nous avait pris aux tripes, Detroit va encore plus loin en abordant un thème encore plus sombre et qui soulèvent des questions finalement d’actualité.

L’expression des émotions des personnages est intense, les valeurs véhiculées souvent chamboulées, les stéréotypes sociétaux à la fois respectés et bafoués, et peu de jeux vidéo ne nous auront fait autant culpabiliser de nos choix que ce Detroit: Become Human. Entre hésitations, réflexions, questionnements et prises de conscience diverses, le titre de Quantic Dream nous a littéralement transporté dans une autre dimension, pas si éloignée de ce qu’on pourrait imaginer du 2035 vu de notre 2018, avec les GAFA, notamment. On pourra d’ailleurs y voir une prévention de la part de David Cage et Quantic Dream, ainsi qu’une sorte de message politique et philosophique puissant qu’il est bon d’explorer dans Detroit.

L’exclusivité PS4 à faire à tout prix !

Heavy Rain et Beyond: Two Souls avaient beau être des expériences vidéoludiques excellentes, quelques défauts les empêchaient de vraiment se dévoiler en tant qu’indispensable absolu. Avec Detroit: Become Human, Quantic Dream a gardé le meilleur de ses deux dernières productions pour en faire un jeu inoubliable, et exempt de tout reproche. Si vous aimez les jeux d’aventure à tendance film interactif où le scénario est au centre des choses, vous vivrez une aventure mémorable qui vous marquera pour longtemps, en trottant toujours dans un petit coin de votre tête. Si vous n’adhérez pas à Detroit: Become Human, ce ne sera en tout cas pas à cause d’un rythme branlant ou d’incohérences scénaristiques, pour la simple et bonne raison qu’il n’y en a pas. On ne peut en tout cas qu’être en admiration devant une synergie aussi forte entre tous les composants vitaux du jeu, qui s’assemblent et fusionnent pour emporter le joueur dans un univers délicieusement riche et profond. Le meilleur jeu de Quantic Dream, pour une exclusivité PS4 à faire vraiment à tout prix !

Verdict : 19 / 20

  • Sadako

    Journaliste gaming et high-tech depuis 2009, je suis "Vanlifer" depuis 2021, dans mon camping-car équipé pour travailler sur les routes tout comme pour profiter de bons moments de détente !

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