Article 13 : Internet va-t-il mourir en emportant YouTube et le reste ?

Si vous visionnez régulièrement des vidéos sur YouTube, que ce soit notre chaîne Playerone.tv ou n’importe quel autre type de contenu, vous êtes forcément tombé sur le fameux thème « article 13 ». Mais qu’est-ce vraiment que cet article 13 visant, selon qui en parle, à purement et simplement tuer internet dans son intégralité ? Devant un amas d’informations parfois contradictoires et souvent (trop) alarmistes, un nouvel édito s’imposait. Dans celui-ci, je vous propose donc d’y voir plus clair en vous expliquant le but de l’article 13, tout en abordant des sujets un peu plus précis.

L’article 13, c’est quoi ?

Pour faire simple, sachez que l’article 13, imaginé par les eurodéputés européens, est un projet de loi visant à mieux protéger les ayants droits sur internet. Chanteurs, producteurs, cinéastes, médias ou producteurs pourraient alors avoir une meilleure protection de leurs oeuvres sur internet, terrain où les droits d’auteur sont très difficilement applicables. Actuellement au stade de directive européene, l’article 13 est en négociation jusqu’au mois de mai 2018, et ne sera appliqué que fin 2019, début 2020. Mais pourquoi ce chiffre porte bonheur fait-il autant peur à tout le monde ?

Ce que ça implique vraiment

Actuellement, si vous mettez une portion d’une chanson, ou un extrait de quelques secondes d’un film sur une vidéo postée sur internet (peu importe la plateforme choisie), il y a de très faibles risques pour que votre production soit bloquée. En résulte alors des ayants droits qui ne gagnent pas un seul euro sur leurs oeuvres qui sont pourtant présentes partout sur la toile. Par exemple, les producteurs de musiques touchent des royalties sur leurs diffusions publiques, mais absolument rien sur certaines vidéos YouTube. Même chose pour les producteurs de films.

Avec l’article 13, les ayants droits pourraient alors percevoir une partie de la rémunération générée par ces fameuses vidéos lorsque les créateurs introduisent des morceaux de leurs oeuvres. Un partage des bénéfices qui pose d’ailleurs (et c’est surtout pour cela que vous avez pris connaissance de ce problème) beaucoup de problèmes à YouTube qui ne souhaite pas changer sa manière de traiter les droits d’auteurs dans les vidéos des vidéastes.

Une situation que l’article 13 aurait pu entraîner ? Non !

La propagande manipulatrice de YouTube ?

Depuis quelques jours, la plateforme d’hébergement de vidéo, YouTube, a enfilé son gilet jaune. A moins qu’elle ne souhaite enfiler des gilets jaunes inquiets pour leur avenir sur internet. Pour la première fois de son histoire, la plateforme d’hébergement de vidéos de Google a en effet fait appel officiellement à sa communauté et à ses plus grands vidéastes pour les encourager à faire des vidéos sur les dangers de l’article 13.

En employant des mots et un ton dramatiques, YouTube souhaite en effet que sa horde de vidéastes parte en guerre contre l’article 13, en dénonçant la mort d’internet et en effrayant les internautes d’une potentielle fermeture de YouTube en Europe si l’article 13 venait à être imposé partout. Des responsables de YouTube France ont d’ailleurs téléphoné aux vidéastes les plus influents en France pour leur exposer le pire scénario, en les incitant donc à faire participer leur communauté à leur combat contre l’article 13. Nous restons nous aussi méfiant de cette directive européene encore incomplète, mais nous voyons davantage un peur de YouTube qu’une soudaine considération de ses vidéastes.

Après plusieurs dramas, dont le changement d’algorithme et la crise de la publicité, nous avons beaucoup de mal à croire en la préoccupation de YouTube envers les vidéastes qu’il ignore souvent, et méprise parfois au plus haut point. En ayant abaissé considérablement les revenus des chaînes ces dernières années, YouTube a surtout peur pour sa peau. Peur de ne plus lever assez de $$$ pour satisfaire ses investisseurs.

YouTube ne (veut) sait pas partager

Si vous avez déjà eu une chaîne YouTube dans votre vie, ou si vous suivez certains vidéastes, vous aurez forcément déjà entendu de problèmes de droits d’auteur, via les strikes de vidéos par content ID. A l’heure actuelle, une vidéo peut en effet être supprimée par YouTube, bloquée dans certaines zones du globe, bloquée dans le monde entier, ou simplement démonétisée si une portion de celle-ci contient du contenu protégé par des droits d’auteurs.

Le problème majeur de YouTube est qu’il est pour le moment dans l’incapacité la plus totale de partager les revenus entre plusieurs personnes. S’il serait en effet logique de ne reverser à un ayant droit qu’une petite part des gains d’une vidéo n’intégrant que quelques secondes de son oeuvre, YouTube bloque complètement les revenus d’un vidéaste. Par exemple, si votre vidéo d’analyse d’un jeu vidéo de 55 minutes contient une musique de 3 minutes protégée, vous ne toucherez pas un centime d’euro sur cette vidéo.

Le tout robotisé, imaginé par Google pour YouTube, pose en effet des problèmes, pour un Content ID incapable de tout faire. La plateforme devrait, en cas d’adoption de l’article 13, revoir de fond en comble la répartition des droits d’auteurs en Europe. Un travail colossal et des pertes financières importantes que YouTube refuse, visiblement. Mais est-ce vraiment aux vidéastes et spectateurs des vidéos de se battre à sa place ? Nous en doutons fortement !

YouTube fait déjà n’importe quoi depuis des années

Nous avons, de plus, beaucoup de mal à comprendre ce qui pourrait être pire sur YouTube en termes de droits d’auteurs que ce à quoi nous nous heurtons depuis 2010 et la création de notre chaîne. En effet, nous avons été face à des vidéos « strikées » plusieurs dizaines de fois, et la chaîne a failli disparaître deux fois. A chaque avertissement pour atteinte aux droits d’auteurs, cela n’était pas justifié. Nous « travaillons » en effet depuis fin 2009 avec tous les éditeurs du monde entier, et avons tout à fait le droit de publier leurs trailers, extraits de gameplay et autres vidéos faites par nous, sur leurs jeux, sur notre site internet.

Leur accord nous permet tout simplement de faire notre travail, à savoir enregistrer des vidéos pour vous dire si les jeux valent leur pesant d’or, ou non.

Mais sur YouTube, n’importe qui peut, d’un seul coup, striker une vidéo de votre chaîne. Merlin, Viacom et autres entreprises absolument injoignables (certaines n’ont même pas de siège social) nous ont en effet déjà bloqué plusieurs vidéos. Et quand nous contactons l’attaché de presse français du studio, cette personne nous assure n’y être pour rien, et dans l’incapacité de nous aider, par absence de contact. Dans de rares cas, le strike émane de l’éditeur directement, auquel cas l’intervention est très rapide, et l’explication compréhensible. Avant d’attaquer l’article 13, nous conseillons donc à YouTube de revoir de fond en comble son propre système avant d’aller taper sur une directive encore en cours d’étude.

Quant aux sociétés étrangères qui bloquent ou pompent l’argent de vidéos utilisant des musiques tombées dans le domaine publique depuis des décennies depuis des mois… YouTube doit également être beaucoup plus réactif et arrêter de faire fonctionner sa plateforme avec des robots. Essayez vous-même de contacter un représentant humain de YouTube. Si vous y arrivez, nous vous payons une console !

Ce que l’article 13 peut changer en positif

Actuellement seuls les ayants droits les plus puissants peuvent faire valoir leurs droits sur YouTube, et sur internet d’une manière plus générale. Avec l’article 13 tel qu’il est écrit actuellement, il sera beaucoup plus facile pour les labels de musique, film et autres activités artistiques de faire valoir leurs oeuvres. Depuis la naissance et l’explosion d’internet, les revenus se limitent en effet bien souvent à peau de chagrin pour les artistes les moins connus. L’article 13 pourrait donc partager un peu mieux les gains perçus sur internet, que ce soit sur YouTube, Dailymotion et l’intégralité des réseaux sociaux. A part la petite crise de panique de YouTube, nous ne voyons pas vraiment ce qui pourrait « tuer » l’internet que l’on connait toutes et tous avec cet article 13.

Les dérives potentielles de l’article 13 sur internet

Ce qu’on pourrait craindre de pire avec l’article 13 ? Que les ayants droits soient un peu trop rigides et décident de faire supprimer toutes les vidéos incluant du contenu protégé, ou décident de s’attribuer l’intégralité des gains d’une vidéo, comme c’est actuellement le cas sur YouTube. Nous avons du mal à voir de pires scénarios pour le moment, avec l’écriture actuelle de cet article 13. Et finalement, quoi de plus normal de rétribuer tous les ayants droits d’une vidéo lorsque l’on exploite du contenu protégé à but lucratif ?

La seule grosse crainte serait de voir des vidéos déjà enregistrées disparaître d’internet (surtout de YouTube) en cas de passage de l’article 13. Mais encore une fois, ces vidéos seraient probablement davantage éclatées en plusieurs rémunérations que supprimées. L’objectif d’un artiste étant de faire parler de son oeuvre, et de gagner de l’argent avec, nous voyons mal les ayants droits partir dans une folie meurtrière de blocages massifs de vidéos…

Les idioties que l’on entend sur l’article 13

Sur les articles que nous avons pu lire ces derniers jours, mais surtout sur les vidéos que nous avons visionné pour nous informer sur l’article 13, nous retenons une grosse désinformation : non, une vidéo ne peut pas être bloquée ou supprimée parce qu’une canette de coca, de redbull ou de bière est présente en arrière-plan d’une vidéo, ou si vous portez un T-Shirt de marque. Il ne faut en effet pas confondre droit d’auteur et droit des marques. L’article 13 ne traite que des droits d’auteurs, et vous pourrez continuer à porter les vêtements que vous désirez pour filmer des vidéos.

Tant que la rédaction de l’article 13 n’est qu’au stade de directive, ne prenez pas au pied de la lettre tout ce que vous pourrez voir et lire sur internet. Il faudra attendre la version définitive pour vraiment définir l’intégralité du cadre légal de celui-ci.

Article 13, le bilan actuel

Selon nous, l’heure n’est absolument pas à la catastrophe européene avec l’article 13. Nous voyons une volonté de mieux encadrer les oeuvres d’artistes sur une plateforme qui échappe presque totalement à l’évolution de l’art depuis 20 ans, mais pas l’assassinat d’internet comme les plus négativistes le scandent à tout va. Nous blâmons enfin YouTube, qui nous semble se servir de manière éhontée des vidéastes qu’il exploite pourtant sans le moindre remord depuis des années. Si nous nous trompons, nous serons les premiers à nous en excuser et à partir en bataille contre l’article 13, mais pour l’heure, cela ne nous inquiète pas vraiment, voire pas du tout.

  • Sadako

    Journaliste gaming et high-tech depuis 2009, je suis "Vanlifer" depuis 2021, dans mon camping-car équipé pour travailler sur les routes tout comme pour profiter de bons moments de détente !

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