Réalisation technique
Le jeu était prévu à l’origine sur PS2, et cela se ressent. Graphiquement, Deadly Premonition est complétement dépassé. Version Xbox oblige, l’aliasing est peu gênant visuellement mais bien présent. Si les visages des personnages sont plutôt réussis dans l’ensemble, surtout au niveau des expressions faciales, le reste laisse clairement à désirer. Les bâtiments et les véhicules ont été modélisés à la hâte, un joli clipping laisse apparaître le paysage lorsqu’on se trouve à seulement dix mètres et il y a aussi des bugs graphiques qui viennent parfois perturber la vue. Non, vraiment, cette partie n’est pas le point fort de Deadly Premonition.
Direction artistique
La petite ville de Greenvale est paisible, accueillante, un endroit où il fait bon vivre si on aime la tranquillité. Mais ne nous y trompons pas, Greenvale va demander du temps pour être traversée d’un bout à l’autre. De quoi se régaler des monologues de York avec son ami imaginaire Zack, tout en alignant les kilomètres au volant de sa voiture. Chaque rencontre importante sera mise en avant à l’aide d’une cinématique dans laquelle un nouvel élément de l’histoire fera avancer l’enquête. Chose étonnante, chaque citoyen de la ville de Greenvale à sa propre personnalité, son caractère bien à lui. Si certains ne porte pas les forces de l’ordre dans leur cœur et ne se prive pas pour le montrer, d’autres agiront de manière beaucoup plus amicale et ne rechigneront pas à donner quelques informations à York. Au niveau des environnements, il y aura de quoi visiter. Une escapade dans la ville, une petite soirée au café pour jouer aux fléchettes ou un peu de détente pendant une partie de pêche, beaucoup de choses sont possibles. Ensuite, les différents lieux, qu’il soit dans le monde réel ou alterné, dans lesquels York devra mener l’enquête, finiront d’emmener le joueur toujours plus loin sans que celui-ci ressente la monotonie ou la répétition, dans les décors comme dans l’histoire.
Level design
Sans pour autant atteindre une taille gigantesque, la carte de la ville de Greenvale est tout de même conséquente. De quoi être ravi s’il n’y avait pas eu cette caméra beaucoup trop proche, qui ne permet pas de dézoomer suffisamment pour l’observer plus en détail. Alors, pour repérer un point de rendez-vous, il va falloir parfois faire glisser la caméra sur toute la longueur de la carte pour trouver son chemin. Même si après un certain temps la ville commence à être familière, il y a de quoi rager un peu au début. Autre point négatif, les phases en voiture peuvent s’avérer longues, et il faut bien faire attention de ne pas causer trop de dégâts pour ne pas avoir de pénalité d’argent et garder un œil sur le réservoir d’essence histoire de ne pas se retrouver à sec. Si les phases de jeu dans le monde réel sont en mode ouvert, celles dans le monde alterné suivent un chemin bien défini.
Gameplay
Très old school dans l’âme, le jeu nous renvoie quinze ans en arrière. Deadly Premonition propose en effet un gameplay hybride entre celui proposé dans les années 90 et l’actuel. Les joueurs méconnaissant cette période trouveront la maniabilité imbuvable. Pour les autres, elle leur rappellera un temps ou ce n’était pas forcément « mieux avant », du moins du côté de la maniabilité. Même si ce n’est pas gênant la plupart du temps, la raideur de York peut s’avérer handicapante dans les affrontements qui demandent une certaine dextérité. Pour faire un demi-tour, il faut en effet utiliser le stick et appuyer sur une touche en même temps, comme à l’époque des premier Resident Evil. La conduite de véhicule n’est pas non plus un modèle d’ergonomie. Les voitures sont assez lourdes à manipuler, reste bloquée net si elles percutent un obstacle, et deviennent incontrôlable passé une certaine vitesse dans les descentes. A certains moments du jeu, Deadly Premonition propose des phases de QTE qui pourront paraître un peu longue à certains, en plus d’être difficiles.
Scénario
Agent au Bureau Fédéral d’Investigation, Francis York Morgan (appelez-le York) arrive dans la petite ville de Greenvale pour enquêter sur le meurtre particulièrement violent d’une jeune femme. Au départ, York a un comportement plus que distant avec les autorités de cette petite ville de campagne qu’il, en véritable citadin dans l’âme, ne porte pas vraiment dans son cœur. L’agent Morgan montre nettement plus de sympathie envers cet alter égo invisible qu’il appelle Zach et à qui il parle très souvent. Puis, petit à petit, la mentalité de York va évoluer. Les habitants de ce village aux secrets bien gardés ne seront pas étrangers à cette évolution. L’histoire est très bien ficelée et est digne des meilleurs thrillers du cinéma espagnol ou américain. Qui est Zach ? Qui se cache derrière le tueur à l’imperméable ? D’où vient cette brume qui n’annonce que le malheur ? Autant de questions auxquelles le joueur aura envie de trouver des réponses, qui seront données au fur et à mesure dans un timing bien chronométré.
Bande son
Les musiques de Deadly Premonition sont à l’image de celui-ci. Si certains ne retiendront que des mélodies agréables tout au plus et sans véritable cohésion avec l’action, d’autres accrocheront à cet univers sonore particulier aux jeux à ambiance horrifique. Les compositions signées messieurs Kinugasa, Kobayashi et Mizutani sont pour la plupart belles et variées. Il y a du jazz, de la folk, de l’opéra et des airs de guitare, dont un surtout qui donnera envie de siffloter gaiement rien qu’en l’entendant. Seuls quelques décalages sonores, comme le bruit d’une porte que l’on entend avant que celle-ci ne soit fermée, le souffle de la fumée de cigarette de York, ou encore le bruit étrange que font les oiseaux en s’envolant noircisse un peu le tableau.
Durée de vie
La durée de vie de Deadly Premonition est on ne peut plus honorable. Il faut compter entre quinze et vingt heures pour en voir le bout. Et ceci ne vaut que pour l’histoire principale. Si l’envie prend au joueur de se balader en ville, d’épier par la fenêtre certains habitants, de faire les quêtes annexes ou de collectionner les cartes, Deadly Premonition prend autant de temps à terminer qu’un RPG moyen, soit environ une trentaine d’heures. Il y a aussi trois niveaux de difficultés que les plus aguerris n’hésiteront pas à braver pour refaire le jeu encore une fois.
Conclusion
Adulé par les uns, détesté par les autres, Deadly Premonition est l’un de ces jeux qui sait faire parler de lui. Derrière un aspect esthétique qui s’avérera repoussant pour les plus accrocs aux graphismes, il faut savoir repérer cette beauté intérieure qui sert souvent de mauvais prétexte pour qualifier quelqu’un. Ce n’est pas par sa réalisation technique ou son gameplay que Deadly Premonition brille, non, mais grâce à un scénario extrêmement travaillé et à une direction artistique, très inspiré de la série Twin Peaks et de sa Loge Noire, qui rend le jeu attachant et beau à la fois. Doté d’une mise en scène digne des plus grands thrillers, où chaque citoyen de la petite ville de Greenvale à sa propre personnalité et son caractère, où les événements s’enchaînent dans une chronologie chirurgicale, où l’intérêt du joueur et constamment gardé en éveil, Deadly Premonition donne une véritable leçon de savoir-faire en matière d’écriture. Voilà un jeu à côté duquel tout amateur de jeux horrifique se doit de ne pas passer à côté.
Verdict : 18 / 20