[Edito] Ces grands groupes qui pleurent contre Adblock après vous avoir pourri la vie

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, par Amaury Laguerre (Sadako)

La publicité est-elle si détestée que cela par les internautes ? Un site web peut-il vivre en 2016 sans rentrées d'argent liées à la publicité ? Pourquoi les addblockers sont-ils devenus si populaires ? Aujourd'hui, beaucoup de grands groupes de média pleurent toutes les larmes de leur corps, après vous avoir pourri la vie pendant de si longues années. C'est un constat que l'on voit fleurir un peu partout, avec des rédactions qui demandent depuis peu, en masse, que vous désactiviez enfin votre bloqueur de pubs pour qu'ils puissent continuer à exister et à travailler sans crever de faim à la fin du mois. Dans cet édito, je vous propose de découvrir (nous nous exprimons à la première personne uniquement dans les éditos, chez Playerone.tv, ou presque) pourquoi il est déjà un peu tard pour changer les mentalités, et pourquoi cette utopie du web gratuit sans publicité est également au coeur des inquiétudes de beaucoup de rédactions.

L'évolution de la publicité sur internet

A la fin des années 1990' et début 2000, les sites internet se sont mis à fleurir par millions, partout dans le monde. Les journaux papiers et divers magazines ont alors sauté le pas pour être présents sur la toile, afin d'avoir un complément d'informations en temps réel. Petit à petit, ces sites ont pris beaucoup d'ampleur, et ont, pour certains, décidé de ne plus exister que sur internet. Bref, je ne vais pas vous faire un cours d'histoire d'internet ici, mais plutôt vous parler d'une tendance que nous avons tous observé en quelques années. Les premiers sites étaient très peu fournis en publicité. Pour rester dans le domaine des jeux vidéo, je vous propose d'essayer de vous rappeler ce que Jeuxvideo.com, Gamekult ou encore Jeuxvideo.fr affichaient en la matière en 2001, par exemple. Tout comme vous, je ne me souviens pas d'avoir été inondé sous un flot de pub. Non, une bannière par ci, un pavé par là, et le tour était joué, les sites se finançaient très bien comme cela.

Mais au fil des années, les annonceurs (ceux qui payent pour être affichés sur un site internet) ont réduit les marges, forçant alors les régies de publicité (ceux qui démarchent les annonceurs pour remplir les espaces pubs d'un site) à multiplier le nombre de publicité pour que les médias ne perdent pas d'argent. Et là, c'était le début de la fin qui commençait ! Pour continuer à gagner suffisamment d'argent pour faire vivre les rédacteurs, les frais de serveurs, les taxes, les charges et autres coûts, les sites ont alors du multiplier les formats publicitaires, qui sont devenus de plus en plus intrusifs (plus une publicité est visible, plus elle rapporte). Ban, méga-ban, in-read (les publicités qui s'affichent au milieu des articles), interstitiel (les annonces qui s'affichent avant d'accéder au contenu du site), footer, footer expend, les pop-ups qui s'ouvrent dans tous les sens et autres formats toujours ingénieux qui peuvent aller jusqu'aux articles sponsorisés et donc écrits par les annonceurs eux-mêmes. Bonjour la visibilité et la crédibilité de l'information derrière ça...

Les sites de buzz : LA plaie du web pour les médias sérieux

Encore une fois, je n'écris pas cet édito pour faire un inventaire des différents formats qui existent dans le milieu de la pub, mais pour mettre en avant les raisons qui ont poussé les internautes à installer un bloqueur de publicité genre Adblock. Au contraire de certains de mes accolytes qui font vivre Playerone.tv (250 € contre leurs noms !), je n'utilise pas ce genre de module complémentaire. Cela me démange parfois, mais je résiste encore ! Le plus gros problème sur internet, et la raison majeure de la poussée de l'installation massive des Adblockers, est certainement à chercher du côté des sites qui se prétendent Buzz, People, Putaclik et autres contenus pop-corn que les internautes adorent.

Pas de jugement de ma part, puisque je fais aussi partie de ceux qui aiment aller rire un bon coup sur Spion (qui n'est pas le pire spammeur de pub, cela dit !), Démotivateur et autres sites de "conneries" qui font passer le temps et rire entre potes (50€ la séance de rire et bien-être sur notre Mumble pour les intéressés !). Ces sites sont beaucoup consommés. Les jeunes et moins jeunes adorent ça, partagent beaucoup sur les réseaux sociaux les Top 10, les articles aux noms ravageurs qui ne contiennent rien ou presque, ce qui a poussé les gestionnaires de ces sites à forcer la main sur la pub. Ils y ont carrément mis le bras tout entier, à vrai dire ! Petit à petit, les sites mainstreams s'y sont mis aussi, à grands coups de formats publicitaires dans tous les sens. Les internautes n'en pouvaient plus de voir défiler jusqu'à 5 pubs de suite avant d'avoir accès à une vidéo, ou de devoir fermer 3 fenêtres de pub, un interstitiel et 2 in-read, sans compter les fois où l'on clique par erreur à côté de la croix, ce qui nous emmène vers des contrées à la limite du supportable. On ne vous parle même pas des sites de téléchargements (légaux et illégaux) et autres sites de charme... !

Qui n'a jamais pété un plomb en voyant tout ça s'ouvrir en 1 ou 2 clicks ?

Les responsables sont allés beaucoup trop loin !

Les sites ont clairement abusé. Les régies de publicité encore plus. Les annonceurs aussi. Pleurer en 2016 après avoir pourri la vie de tout le monde pendant plus de 10 ans est un juste retour des choses. Comme le disent nos grand-mères : à force de tirer sur la corde, elle casse ! Et on se retrouve sur le cul, même... Les médias de masse pensaient-ils vraiment que les visiteurs de leurs différents sites allaient supporter un tel spam pendant des années ? Faire du gras sur le dos et la patience des gens, c'est bien, mais il ne faut pas s'étonner que le taux d'adoption d'un bloqueur de publicité soit si forte à l'heure actuelle. Je ne jette la pierre à personne, le but n'est pas ici de cracher un "bien fait pour vos gueules", mais plutôt d'inviter les responsables à se remettre en question en ne pleurant pas aujourd'hui ce qu'ils ont construit hier, et avant-hier. Demander aux utilisateurs, voire même bloquer l'accès aux internautes possédant un bloqueur de publicité, d'autoriser une exception n'est pas normale. Si ils souhaitent venir sur un site sans bloqueur de publicité, ils le feront d'eux-mêmes, selon moi. 

D'autant plus que, sur cet article qui a motivé cet édito, L'Express a le culot de demander à ses internautes de whitelister leur adblocker en tamponnant au moins 6 pubs sur cette même page ! Comment voulez vous qu'un internaute désactive son bloqueur de pub alors qu'il verra autant de formats, dont un particulièrement sonore et invasif (un bel in-read en plein milieu) sur l'article ? Tant que cette méthode subsistera, les bloqueurs resteront allumés sur les terminaux des gens, qu'on le veuille ou non. Pour pallier à ce fléau des annonceurs de publicité et des actionnaires des grands groupes de média, certains n'hésitent d'ailleurs pas à placer encore plus de pubs, ou à afficher des scripts qui ralentissent beaucoup la connexion internet de l'usager, histoire de faire payer aux pigeons les absences d'affichage des vilains bloqueurs de pub. Pour être honnête avec vous, je ne vais plus sur des sites que j'avais l'habitude de consulter, pour certains de manière journalière, à cause de cela. Tant pis pour moi, ou tant pis pour eux ? Peu importe, mais je refuse de devoir subir les assauts de cookies, scripts et multiples attaques publicitaires d'un site qui ne me respecte pas en tant que lecteur.

Les formules Premium : Une solution qui ne décolle pas

Comment faire pour continuer à vivre d'un média quand beaucoup de monde refuse de subir la publicité ? Trouver absolument d'autres moyens de rentabilité qui puissent continuer à faire tourner la boutique. Dans le milieu des sites internet de jeux vidéo, vous n'aurez sans doute pas manqué de découvrir les offres Premium, dont Gamekult et Gameblog ont été parmi les premiers à les proposer. Marchent-ils bien ? Nous n'en avons aucune idée, mais l'idée nous parait un peu "too much". C'est un peu comme forcé des lecteurs d'un magazine de s'abonner, sinon, on lui arrache des pages, ou on coupe le magazine en deux dans le sens de la hauteur. Heureusement pour les lecteurs, ces deux sites ont choisi de réinjecter l'argent des Premiums pour du contenu qui sort de l'information quotidienne et des tests des derniers jeux. Preuve selon moi que ce système n'est absolument pas viable à 100%.

Ce clivage ne me correspond de toutes façons pas. Hors de question de payer un site plutôt qu'un autre alors que j'en consomme des dizaines et des dizaines différents par jour. C'est un peu réducteur comme réaction, je vous l'accorde, mais je trouve qu'il n'est pas possible de basculer vers un internet payant alors que tout était accessible gratuitement avant. Pourquoi les internautes les plus riches auraient-ils plus le droit que les autres de lire un bon article de fond ? N'y aurait-il pas autre chose à envisager comme par exemple le financement d'une enquête qui donnerait lieu à un reportage accessible à tous ? Si certaines autoroutes sont gratuites aujourd'hui, c'est qu'elles ont été payées par les anciens usagers, non ? Cette vision Premium est selon moi beaucoup trop éloignée de la réalité communautaire des jeux vidéo et d'internet. J'ai participé au financement Kickstarter de Shenmue 3 pour que le jeu puisse se faire, cela serait-il une raison suffisante pour que les non-financeurs n'y aient pas accès ? Heureusement que les gens pourront en profiter eux aussi plus tard, quand il sera neuf en rayon ou d'occasion !

La folie du contenu sponsorisé

La publicité a été diabolisée par beaucoup de monde, et c'est bien dommage quoi que compréhensible pour les raisons évoquées plus haut dans cet édito. Mais est-ce une raison pour perdre complètement sa crédibilité ? Je veux bien entendu parler des fameux "Articles Sponsorisés" qui fleurissent partout depuis quelques mois / années. Jeuxvideo.com a subit les foudres de son lectorat il y a quelques temps, quand celui-ci avait grillé des articles rédigés par "PlayStation Officiel" et autres partenaires qui prenaient la parole dans le fil d'actualité du site, en page d'accueil. Un article sponsorisé n'est pas illégal, mais en trainant à mentionner ce détail, l'ex-site de l'Odyssée Interactive s'est littéralement fait démonter la tronche par ses fans, déçus, qui ont eu l'impression d'être moqué. A quand des tests d'exclusivités PS4 écrits par Sony France ? C'est ce que pensent les internautes majoritairement quand ils voient un contenu sponso sur un site. Le mythe du chèque pour une bonne note, c'est de la tartine à côté !

La législation changera dans les mois à venir en France, par ailleurs, parlant des contenus sponsorisés et autres vidéos promotionnelles déguisées. Sur YouTube, ne vous faites pas non plus d'illusions, beaucoup de marques, éditeurs et annonceurs font du grain aux plus gros pour placer leurs jeux et produits. Quelque chose qui sera vu des millions de fois vaut bien un petit coup de pouce financier, mais dans ce cas, il ne faudrait pas maltraiter le produit en question. Et il faudrait surtout que les vidéastes le disent à leur audience pour ne pas les induire en erreur !

Non, nous ne sommes pas jaloux de la réussite commerciale des plus gros YouTubers. Non, nous ne sommes pas en train de dire que la presse jeux vidéo est corrompue jusqu'au port HDMI, mais nous vous assurons que le paysage a changé, change et changera encore plus tard. Tant qu'il faudra gagner de l'argent pour vivre, les plus gros groupes n'hésiteront pas à inventer (et ils sont super forts !) de multiples solutions pour toujours engranger des euros. C'est la dure loi du travail, de l'entreprise et la compétitivité, certes, mais tout cela peut aussi se faire dans la confiance et le respect des internautes. Il faut juste apprendre et savoir ouvrir les yeux quand on vous demande de désactiver votre bloqueur de pub et qu'on ne fait rien pour rendre la navigation plus confortable. Chez nous, ça s'appelle se foutre de notre gueule :)

Sans la mention à droite, difficile de croire à un article sponsorisé !

Et chez Playerone.tv, ça marche comment ?

Je ne suis pas un justicier du web, et je ne souhaite pas dénoncer tel ou tel de nos confrères ou média en particulier dans cet article, pour la simple et bonne raison que tout le monde fait des erreurs. Pour en revenir à Jeuxvideo.com, j'ai d'ailleurs particulièrement aimé leur réaction pour expliquer, sur les forums, leur erreur d'avoir mis en ligne des contenus sponsorisés sans prévenir les internautes. Pas évidente, la situation ! En ce qui me concerne, je ne souhaite pas que Playerone.tv devienne une poubelle à pub. J'ai récemment refusé en bonne et due forme des contenus sponsorisés par respect pour notre ligne éditoriale si longuement acquise, et ne souhaite pas mettre en place de publicités trop invasives. Je ne vais pas vous mentir, la publicité est indispensable pour la survie d'un média, mais à nous de suffisamment adapter notre contenu à vos souhaits pour vous donner envie de lire des choses intéressantes sans forcer la main sur les formats.

Nous avons des bannières et des publicités avant les vidéos. J'ai plusieurs fois demandé à notre régie de publicité (externe) de dégager une publicité qui hurlait toute seule, chose inadmissible sur un site internet selon moi. On ne peut pas toujours tout contrôler, et la vision parfaite d'un média qui convienne à tout le monde n'existe pas. En revanche, le respect des internautes est selon moi très importants, c'est pour cette raison que nous n'acceptons pas de laisser des publicités faire trop de bruit, ou ne pas être désactivables au bout de 5 / 10 secondes maximum. Je ne dis pas que c'est toujours le cas, mais je m'efforce de garder l'oeil ouvert pour remonter à la régie ce genre de problème.

Une bonne communauté engagée, remède efficace contre les dérives publicitaires !

Dans les mois qui viennent, Playerone.tv se transformera en entreprise, pour des revenus pubs qui ne sont pas très élevés, mais qui complèteront d'autres activités. Je vous ferai part d'un système qui nous semble intéressant pour réussir à en vivre toujours un peu plus, dans les mois à venir, via des sites de financements comme Tipeee ou Patreon. Payera qui veut, mais nous ne transformerons pas Playerone.tv en PublicitOne.tv. En guise de mot de la fin, je dirais donc que le scandale des bloqueurs de publicité est un juste retour des choses, et que d'autres solutions sont viables pour compléter les pertes occasionnées par des grands médias qui n'ont pas eu mal au cul de vous inonder d'autant de choses pendant toutes ces années. Il est juste un peu dommage de devoir payer la note lorsque l'on a jamais abusé sur la chose, même si la construction d'une communauté solide et fidèle est capable de bien meilleure chose que de mattraquer les utilisateurs de contenus douteux et méthodes peu transparentes... qu'ils finiront par fuir en masse de toutes façons !