[Edito] Pénuries de cartes graphiques, consoles et smartphones - Ce que doivent absolument faire les consommateurs, constructeurs, éditeurs et développeurs

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, par Amaury Laguerre (Sadako)

A moins de vivre dans un bunker depuis le début de l'année 2020, difficile d'échapper aux différentes pénuries et ruptures de stock qui touchent les cartes graphiques, consoles de nouvelle génération (PS5 et Xbox Series X) et maintenant les smartphones. Dans cet édito, je ne souhaite pas m'attarder sur les raisons de ces pénuries, largement abordées dans nos colonnes, mais plutôt de vous donner des pistes de réflexion sur les moyens que nous avons pour traverser cette période curieuse, dans un monde qui a changé.

Quelques pistes anti-pénuries

La course à la technologie doit ralentir

Si, comme moi, vous êtes né dans les années 80 (ou 70 et 90), vous avez forcément vécu la naissance de la course à la technologie, ainsi que de l'obsolescence programmée qui a donné lieu à la surconsommation et maintenant à l'obsolescence logicielle. En l'espace de 30 ans, plusieurs bonds technologiques se sont enchaînés, dans tous les domaines.

Ce n'est que mon point de vue, mais je suis convaincu que cette explosion technologique a fabriqué, petit à petit, une société de l'immédiat, des (grands) enfants rois où tout le monde est impatient. Tout doit arriver chez soi tout de suite, maintenant. Acheter un smartphone qui a deux ans peut par exemple être vécu comme une déception pour certains consommateurs, comme recevoir une PlayStation 2 à noël alors que la PlayStation 3 est sortie 6 mois plus tôt. Attendre 1 ou 2 semaines une commande faite sur internet ? Soyons honnête, cela nous agace !

Mais comment ralentir cette course à la technologie qui se bride d'elle-même avec les différentes pénuries et ruptures de stock que nous traversons depuis 2020 ? En essayant de remettre les choses à leur place, et en se posant quelques questions pour faire un cheminement vers des habitudes de consommation moins impulsives. Explications de mon point de vue dans les lignes qui suivent !

Un nouveau smartphone ? Pour quoi faire ?

Attardons nous quelques minutes sur l'industrie des smartphones si vous le voulez bien, appareils, selon moi, les plus caractéristiques de la "folie" consommatrice dans laquelle nous nous trouvons depuis (trop) longtemps. L'objectif de cet édito n'est pas de vous faire culpabiliser, mais d'essayer de vous emmener sur le chemin d'une réflexion.

Les campagnes marketing des nouveaux modèles de smartphones ont un seul et unique but : vous donner envie d'acheter un nouveau téléphone portable. Ou de carrément vous créer un besoin que vous n'aviez pas, et que vous n'aviez peut-être jamais envisagé avant. La question à se poser est donc la suivante : "Ai-je VRAIMENT besoin de ce nouveau smartphone ?". Ou celle-ci : "Qu'est-ce que m'apportera ce nouveau smartphone de vraiment nouveau ?".

Pour mon cas personnel, je change de smartphone environ tous les 2 à 3 ans, pour profiter des innovations technologique sur les objectifs photo et vidéo. Mais aujourd'hui, les progrès sont très minces d'une année à l'autre, et il y a donc de fortes chances pour que le modèle que je possède depuis quasi 1 an le reste pour quelques années de plus. Combien d'entre nous ont changé de smartphone parce qu'il ne tenait plus la charge ? Une batterie neuve coûte moins de 30€ dans la plupart des cas, mais la complexité de remplacement (souhaitée par les constructeurs, ils ne sont pas fous !) nous fait faire une absurdité.

Il y a 15 ou 20 ans de cela, auriez-vous changer de voiture parce que sa batterie était morte ? Ce changement de consommation progressif fait que nous ne soyons absolument pas choqués de dépenser entre 500 et 1200€ dans un nouveau téléphone alors qu'il aurait suffit de dépenser au maximum 80€ pour l'utiliser deux ans de plus.

Le piège des modèles en surnombre

Enigme marketing qui doit certainement avoir une explication, est d'ailleurs la surmultiplication des modèles mis sur le marché tous les ans. Vous cherchez un nouveau smartphone, une nouvelle télévision ou une nouvelle carte graphique ? Bon courage pour les heures de renseignements qui perdent littéralement les consommateurs dans des modèles en surnombre ! Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi les fabricants offrent autant de choix.

En limitant les modèles à deux ou trois, les pénuries pourraient pourtant être contournées. La preuve avec les nouvelles consoles de Microsoft, Sony et Nintendo, qui arrivent (non sans mal) à trouver le chemin des joueurs en souffrant nettement moins de ruptures de stock que les cartes graphiques de AMD et Nvidia. La raison principale ? Des chaînes de production qui utilisent toutes les mêmes composants, sans s'égarer dans 5 ou 6 modèles différents.

A l'heure où Samsung a du faire le choix de supprimer son Galaxy Note 21 au profit des autres modèles, Nintendo, Sony et Microsoft peuvent encore produire des consoles. Simple fait qui oriente vers une production qui souffrirait moins des pénuries de semi-conducteurs, par exemple.

Et si on exploitait nos produits à 100% ?

Selon moi, la piste la plus sérieuse, et en phase avec les élans écologiques (souvent hypocrites, certes) qui naissent (de force !) ces derniers temps ? Enfin exploiter nos appareils à 100% avant de proposer ou d'acheter son remplaçant ! C'est d'ailleurs pour cela que pour continuer à rentabiliser des coûts de production faramineux, Sony et Microsoft proposeront encore pour pas mal de temps des jeux vidéo qui sortent autant sur les nouvelles consoles que celles de la génération précédente. Une solution qui contourne bien les problèmes de stock de PS5 et Xbox Series X, en rendant ces avaries moins frustrantes pour les joueurs.

Les consoles de jeux vidéo ont d'ailleurs été, de tous temps, un bel exemple d'optimisation à 100% de leurs capacités. De la Super Nintendo à la PS4, qui aurait cru possible, en début de génération, qu'un Starwing, Donkey Kong Country ou un The Last of Us: Part II puisse tourner aussi bien ? Cela fait bien longtemps que les développeurs ne se "fatiguent" plus à optimiser les cartes graphiques de nos PC avec autant d'efficacité, pour la simple et bonne raison que AMD et Nvidia renouvellent chaque année leurs différents modèles. Un casse-tête technologique qui se noie dans des options graphiques toujours plus nombreuses, et des jeux qui tournent de manière peu optimisée sur des matériels pourtant bien plus puissants que nos consoles.

Pour revenir au marché des smartphones, le constat est le même. Chaque année, le modèle de remplacement est légèrement plus puissant que le précédent, mais au bout de 3 ou 4 ans, ils sont totalement abandonnés par leurs constructeurs. Pour l'usage quotidien majeur du commun des mortels, est-ce qu'un smartphone de 3 ou 4 ans est vraiment obsolète pour utiliser des applications sociales et visionner des vidéos ? Je ne pense pas, et c'est là que l'optimisation à 100% pourrait vraiment pousser nos appareils au maximum de ce qu'ils pourraient donner avant de rendre l'âme.

Mais les constructeurs devraient faire une croix sur un bon nombre de bénéfices, et c'est bien là le problème. Mais pourront-ils tenir la distance avec les pénuries de composants ? Le serpent ne va sans doute plus trop tarder à se mordre la queue...

Une période de transition, ou un futur sous rupture de stock ?

Plus les mois passent, et plus les pénuries se prolongent. Alors que nous pensions pouvoir sortir de cette crise de la production d'ici fin 2022 au plus tard, tous les acteurs majeurs repoussent ce mirage plus loin. Aujourd'hui, espérer une amélioration avant fin 2023 semble impossible.

En attendant une délocalisation de production des semi-conducteurs, qui ne sont par ailleurs par les seuls responsables de ces pénuries, il semble que nous entrions dans une période de transition, forcée. Que l'on souhaite acheter une voiture neuve, une console, une carte graphique ou tout autre objet intégrant un peu d'électronique, la patience doit faire partie de l'équation. C'est d'ailleurs cet état de fait qui a motivé l'écriture de cet édito.

La limite entre l'évolution et le superficiel

Sans vouloir revivre à l'âge de pierre en refusant systématiquement toutes les évolutions technologiques, je pense qu'il y a vraiment une grande réflexion à mener entre les évolutions "gadgets" très superficielles et vraiment importantes. Par exemple, à l'heure où nous avons tous un smartphone dans la poche, serait-si si grave que ça de ne pas avoir une voiture avec un grand écran multifonction qui fait tout ce qu'on a déjà avec un téléphone portable ? Lis-t-on mieux la vitesse sur un écran digital que sur un compteur à aiguille ?

Selon moi, la meilleure des solutions face à ces pénuries et ruptures de stock est de remettre les objets technologiques à leur véritable place d'objets en se posant les bonnes questions. Aussi bien du côté des constructeurs que des consommateurs. Il existe en réalité déjà beaucoup de solutions pour contourner cette époque assez curieuse où la surconsommation s'autodétruit, en quelques sortes. Face à des changements de société aussi abruptes, des remises en question doivent vraiment avoir lieu. Affaire à suivre !