[Edito] Xbox Series X - Phil Spencer n'y arrive pas et fait du mal à la branche Xbox de Microsoft

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, par Amaury Laguerre (Sadako)

Voilà plusieurs années que j'ai du mal à suivre les plus grosses décisions de Microsoft concernant sa branche Xbox. Dans cet édito, je vous propose de découvrir en quoi je pense que Phil Spencer fait plus de mal que de bien à la division jeux vidéo de Microsoft, et en quoi la crédibilité du constructeur a pris du plomb dans l'aile.

Préambule

Une nouvelle fois, il est à noter que cet édito est critique. Lorsque j'attends beaucoup de chose d'un constructeur (comme pour Nintendo lors de l'ère Satoru Iwata), et qu'il ne parvient pas à combler mes attentes, je n'ai jamais hésité et je n'hésiterai jamais à exprimer le fond de ma pensée, dans ce type d'articles plus personnels. Le Xbox Games Showcase du 23 juillet 2020 est bien entendu le facteur déclencheur de cet édito, mais il était prévu depuis un moment. J'attendais simplement quelques "confirmations" qui sont tombées dans la soirée de jeudi.

Les petits et gros mythos de Philou

Les sorties médiatiques "bullshitées"

Phil Spencer m'est devenu un personnage insupportable de l'industrie du gaming. Depuis plusieurs années, j'ai même l'impression de voir le dirigeant vivre dans un monde parallèle tant ses exclamations sont trop souvent complètement déconnectées de la réalité. Je pense notamment à sa communication autour de Crackdown 3, qu'il qualifiait de jeu "AAAA" en nous montrant des vidéos toujours plus dégradées années après années.

Le clou du spectacle est toutefois arrivé en cette année 2020, par deux fois. La première, au mois de mai 2020, en préambule du Xbox 2020 du 7 mai, où lui et son accolyte Aaron Greenberg hurlaient sur les réseaux sociaux que les jeux présentés à cet évènement seraient aussi révolutionnaires que le passage de la 2D à la 3D. Au final, nous avons vu des jeux qui pourraient quasi tous tourner sur Xbox One, et des concepts classiques.

La seconde fois, lorsque Phil Spencer annonce au micro d'un site web majeur : "quand je vois ce qu'a fait Sony pour son évènement PS5, je suis confiant", ou quelque chose de ce genre avec des mots légèrement différents.

Le plus gros problème du dirigeant de Xbox ? Trop d'annonces chocs pour du vent, trop de "hype" dans tous les sens pour des jeux sans grande envergure, mais surtout, une véritable incapacité à proprement gérer la branche Xbox en ce qui concerne la ligne artistique que souhaitent prendre les Xbox Games Studios.

4K, 120 FPS - Le grand public est perdu

La Xbox Series X est très certainement une console surpuissante pour le budget qu'elle demande. Mais partir dans des explications trop techniques a complètement perdu le grand public. En écoutant Phil Spencer ces derniers mois, on aurait en effet pu croire que la Xbox Series X serait capable de faire tourner n'importe quel jeu en 4K jusqu'à 120 images par seconde (FPS).

La réalité, comme je le dis depuis des mois, est finalement plus logique, avec des titres présentés qui tourneront majoritairement en 4K native, mais pas à 60 images par seconde sans faire des concessions. On est très loin d'un PC gamer équipé d'une RTX 2080 Ti, et c'est tout à fait normal.

Comme je le disais également dans un précédent édito, proposer 120 images par seconde sur console est d'autant plus bête que la plupart des écrans de TV plafonnent à 60 Hz, les dalles 100 Hz natives arrivant tout doucement sur le marché, à des prix souvent élevés. Une communication basée sur la puissance qui s'est retournée contre Microsoft ce 23 juillet 2020, où les joueurs attendaient logiquement des claques graphiques dans tous les sens.

Aaron Greenberg et la myopie Halo: Infinite

Au lendemain de la présentation de Halo: Infinite, lorsqu'un journaliste demandait à Aaron Greenberg des comptes sur la qualité technique du jeu de 343 Industries, ce dernier a répondu d'une manière assez hautaine qu'il fallait regarder à nouveau la bande-annonce, mais en 4K.

Le plus incompréhensible, finalement, est l'accusation du COVID-19 pour justifier le rendu graphique de Halo: Infinite. Pourtant son compère Phil Spencer martelait que le moteur graphique du jeu avait coûté 500 millions de dollars. De plus, le prochain Halo est en développement depuis plus de 5 ans. Le COVID a bon dos...

Une confusion permanente dans la communication

Il y a encore de cela quelques semaines, Phil Spencer promettait que tous les jeux Xbox de sortie dans les deux ans, au moins, sortiront à la fois sur Xbox Series X et Xbox One, pour ne pas pénaliser les joueurs qui ne peuvent / veulent pas passer tout de suite sur la nouvelle machine.

Durant le Xbox Games Showcase, nous n'avons pas vu beaucoup de titres concernés par ce choix à part Halo et Grounded. Faut-il penser que tous les titres montrés ne seront alors pas de sortie avant 2023 ? Que Microsoft a changé d'avis en privilégiant finalement la Xbox Series X ? Cette nouvelle confusion s'ajoute aux anciennes.

Sa déconnexion parfois totale de la réalité

Microsoft vend des consoles de jeux vidéo, propose également des services plus ou moins équivalents à la concurrence depuis des années. Et pourtant, Phil Spencer refusait de se considérer, fin 2019, comme un concurrent direct à Sony et sa PlayStation ou Nintendo et sa Nintendo Switch. Non, pour lui, Apple, Amazon et Google Stadia sont plus proches de leurs activités. Pourtant, les joueurs devront choisir, fin 2020 et après, entre une PS5 et une Xbox Series X. Un discours une nouvelle fois très curieux, qui me fait dire que Phil Spencer ne voit pas l'industrie du gaming comme tout le monde.

Où est le contrôle qualité de Xbox ?

L'incompréhension totale de la présentation de Halo: Infinite

Je vais être franc avec vous en exprimant le fond de ma pensée : Comment peut-on, lorsqu'on pilote la branche Xbox de Microsoft, valider la présentation d'une laideur comme Halo: Infinite alors que l'on a tabassé dans les médias pendant 6 mois que la force de la Xbox Series X sera sa toute puissance ? Valider des captures / screenshots de cet état relève de l'incompétence, il n'y a pas d'autres termes...

Nous parlons bien de Microsoft, entreprise faisant partie des plus grosses puissances mondiales (les fameux GAFAM). L'entreprise possède des milliards, mais visiblement, le contrôle qualité n'impacte pas vraiment les finances du géant américain. Je ne comprends vraiment pas pourquoi Microsoft n'arrive pas à s'imposer plus solidement dans le paysage vidéoludique avec de telles forces budgétaires, notamment en ce qui concerne les exclusivités Xbox.

Des annonces lointaines en Target Rendering et CGI

Satya Nadella (PDG de Microsoft), il y a quelques jours, annonçait que la Xbox Series X aurait l'un des meilleurs line-up de l'histoire (on a déjà entendu ça dans la bouche de Phil Spencer à chaque E3...). Ce n'est pas vraiment le sentiment que j'ai eu en regardant le Xbox Games Showcase. Outre les titres cross-gen à commercialisation proche comme Grounded, Halo: Infinite ou encore Crossfire X, tous les projets des Xbox Studios me paraissent très lointains.

Je n'ai également pas pu me faire une idée précise de ce à quoi ressembleront les quelques projets présentés. State of Decay 3 n'était qu'une vidéo commerciale en CGI (il est en pré-production actuellement), Fable également, Avowed aussi, quand Forza Motorsport ne nous livrait aucune image in-game. Everwild a l'air magique, mais Rare vient d'annoncer qu'il n'avait encore aucune idée du style de gameplay qu'il aura. Ces jeux là n'ont d'ailleurs ni date, ni année de sortie, mais des mentions "Xbox Series X et PC", ce qui montre que nous ne sommes pas encore près d'y jouer.

Une stratégie à long terme qui peut tuer la Xbox

Des rachats de studios en pagaille pour le Game Pass ?

Les blockbusters des Xbox Studios sont donc lointains, et les rares productions estampillées Microsoft sont des "petits jeux". Cela fait quelques mois que je me pose la question suivante : "Est-ce que les achats nombreux de studios ne serviront qu'à faire des jeux AA et des jeux services pour le Game Pass ?". Plus les mois passent, et plus je vois cette stratégie se dessiner chez Microsoft.

Je ne dis pas que les jeux services et les titres à budget AA sont mauvais ou inutiles, loin de là. Mais une nouvelle fois, quand on s'appelle Microsoft, je trouve cela trop juste. Surtout si le Xbox Game Pass tire vers le bas la qualité et l'ampleur des productions pour produire des jeux de moins grande envergure afin de coller au budget de rentabilité du service.

Un gros pari sur l'avenir qui peut être fatal à Xbox

Je ne suis pas madame Irma, ni actionnaire chez un constructeur de consoles ou un éditeur de jeux vidéo. Mais un simple joueur qui ne demande qu'à s'amuser avec n'importe quelle manette ou clavier / souris dans les mains. Et un amoureux des consoles de jeux vidéo qui ont toujours su proposer un écosystème propre, diablement bien optimisé.

Ce que me propose Microsft pour sa Xbox est d'une incohérence la plus totale. En se comportant comme un éditeur tiers, et un fournisseur de service, je vois une stratégie d'entreprise dirigée vers le tout Xbox Game Pass. Rachat de studio, offres alléchantes, surenchère de titres dans l'abonnement, regroupement avec le Xbox Live Gold dans le Game Pass Ultimate, arrivée prochaine du cloud gaming avec xCloud : tout est orienté vers le service pour Microsoft.

Ce pari est risqué. Peut-il être fatal à Microsoft ? Non, mais la branche Xbox pourrait bien en pâtir. Satya Nadella était déjà moyennement chaud après l'échec du début de vie de la Xbox One pour miser autant de dollars dans le gaming. Autant dire que si Phil Spencer n'arrive pas à imposer assez massivement le Xbox Game Pass, la réponse du PDG de Microsoft pourrait être assez fatal pour les joueurs. Ce n'est pas demain la veille, de toutes façons.

J'ai également une grosse interrogation sur ce que compte faire Microsoft en ayant supprimé l'abonnement de 12 mois au Xbox Live Gold. Affaire à suvire dans les prochains mois !

La crédibilité de Xbox en tant que constructeur

Pourquoi acheter une Xbox Series X ?

J'arrive maintenant à un point central de cet édito. Pourquoi acheter une Xbox Series X fin 2020, ou même en 2021 ? C'est là encore où l'incohérence de Microsoft est géante. D'un côté, Phil Spencer nous dit que la Xbox One a encore de beaux jours devant elle, mais de l'autre côté, on nous annonce des jeux qui ne seront pas de sortie avant plusieurs années.

A l'heure actuelle, pourquoi acheter plutôt une Xbox Series X qu'une PS5 ou un PC dans les mois à venir ? L'écosystème se déployant sur de plus en plus de plateformes avec xCloud, je n'arrive pas à voir une stratégie de vente de consoles du côté de chez Microsoft, mais la volonté d'imposer le service sur le plus de plateformes possible. Ce n'est pas cohérent avec la sortie d'une console de jeux vidéo en fin d'année.

La communication de Microsoft me perd : souhaite-t-il vendre des Xbox Series X, ou des abonnements au Xbox Game Pass ? Que met l'entreprise en valeur depuis quelques mois ? La puissance de sa prochaine console, mais alors pourquoi marteler à chaque trailer qu'il sera inclu dans le Game Pass et disponible également sur PC ? 

Phil Spencer a rompu la confiance que nous avions en Xbox

Une descente aux enfers en plusieurs étapes

J'ai commencé à détester les prises de décisions de Phil Spencer depuis le jour où il a annoncé que la Xbox One n'aurait plus d'exclusivité et que tous les titres sortiraient à présent sur PC. Le dernier constructeur qui avait décidé de faire cela ? SEGA, lors de l'arrêt de production de la Dreamcast et son retrait du monde des constructeurs de consoles de jeux vidéo. Mais Microsoft, lui, continue de faire des consoles.

Les deux gros points forts d'une console, selon moi, sont les suivants : Le premier, de créer de belles exclusivités qui crééent l'ADN d'une machine. Le second, de pousser le hardware d'une machine très loin pour en tirer le maximum. L'effet The Last of Us 2, en somme.

En décidant de ne plus produire d'exclusivité sur Xbox, Phil Spencer a tué l'esprit console de la Xbox. Une console qui ne propose plus de jeux exclusifs est ce qu'on appelle un PC. Je n'ai jamais compris cette décision qui a certainement été prise suite aux faibles ventes de Xbox One depuis 2013, pour rentabiliser les productions des Xbox Games Studios. Plutôt que de tenter une reprise commerciale des ventes avec une mauvaise image laissée par Don Matrick, Phil Spencer a décidé de "tuer" l'esprit console de la Xbox en "vendant" des produits et services ailleurs.

Suite à cela, nous avons eu droit à des jeux plus ou moins qualitatifs, et depuis la création du Xbox Game Pass, à plusieurs expériences multijoueur plus ou moins bonnes. Quand on a connu l'ère Xbox 360, on ne gardera cependant pas un souvenir impérissable de l'ère Xbox One.

Une publicité Xbox One, diffusée en 2013

Un avenir qui ne semble pas plus rose qu'en 2013

La branche Xbox se cherche inlassablement une identité. De la Xbox première génération à la Xbox Series X, plusieurs périodes se sont enchaînées. Depuis que Phil Spencer est aux commandes, j'ai beaucoup de mal à reconnaître la vision initiale, avec une identité qui ne cesse de changer. Nintendo a sa vision des choses, Sony également, pendant que Microsoft oscille entre volonté de proposer une console, mais à imposer des services à droite, à gauche, sans fournir ce qu'il faut vraiment pour faire vendre cette prochaine console.

Tout me paraît incroyablement trouble dans la stratégie de Phil Spencer pour la branche Xbox de Microsoft. Une défiance qui s'installe d'autant plus suite aux différentes prises de parole du directeur Xbox qui ne sont jamais suivies par des actes clairs et tranchés. Voguer en eaux troubles et être patient, voilà ce que nous demande toujours Phil Spencer, mais à l'aube de la sortie d'une nouvelle console, il y a de quoi avoir de sérieux doutes sur la capacité de l'homme à gérer une division aussi massive de Microsoft.

Actuellement, je ne vois cependant pas comment Microsoft pourra imposer sa Xbox Series X plus qu'il n'a réussi à le faire avec sa Xbox One. Les arguments manquent encore beaucoup à l'appel, en dehors d'un Xbox Game Pass qui promet de jouer à de nombreux titres pour pas cher. Il va vite falloir à l'entreprise une grosse révision de sa campagne marketing pour donner envie de Xbox à nouveau, de manière massive !

Phil Spencer doit-il être remplacé ?

Présent chez Microsoft depuis 1988, Phil Spencer n'est pas un débutant. Avant d'arriver à la tête de la branche Xbox, il avait déjà officié à plusieurs postes du secteur gaming de Microsoft. Mais depuis sa nomination en 2008 en tant que manager des Microsoft Studios, on ne peut pas vraiment dire que la marque Xbox brille de mille feux.

Ce qui me fait vraiment peur dans la stratégie de Phil Spencer ? Son incapacité à propulser les studios Xbox Games Studios dans une autre dimension, mais surtout, à modeler l'industrie du gaming à sa convenance en investissant des millions et des millions dans le Xbox Game Pass et les jeux services. Y parviendra-t-il ? Les années à venir seront cruciales, mais cette orientation ne me livre pas une confiance aveugle envers le futur des décisions de Phil Spencer.

Pour répondre à la question "Phil Spencer doit-il être remplacé ?", je dirais simplement qu'il faudrait au moins qu'il s'entoure de personnes plus aptes à déceler les bons et les mauvais projets internes. De l'annulation de Scalebound à la présentation de Halo: Infinite dans un état pareil, il faut vraiment que Microsoft soit plus soigneux dans ses annonces...

Enfin, il me paraît également urgent de supprimer nombre d'éléments de langages du vocabulaire de Phil Spencer et Aaron Greenberg. On n'emploie pas le mot "révolutionnaire" pour un trailer en CGI. On n'emploie pas non plus les appellations "World Premiere", "Console Launch Exclusive" ou encore "Launch Exclusive" à tord et à travers, ce qui finit par ne plus rien dire du tout en perdant complètement les joueurs et les joueuses sur le statut d'un jeu.

Une stratégie Xbox peu claire depuis fin 2019 ?

Epilogue - Ce qu'il ne faut pas comprendre de cet édito !

Cet édito n'a pas pour vocation de faire du Xbox bashing, mais de remettre un peu en question les décisions de Microsoft et d'analyser un peu plus en profondeur les décisions de sa direction. La conférence Xbox Games Showcase m'a beaucoup plu en tant que découverte de nouveaux jeux vidéo, mais a répondu à pas mal de mes incertitudes quant à la gestion de la branche Xbox par ses dirigeants. Il faut donc voir dans cet article une analyse des décisions du constructeur, et non une comparaison avec la concurrence.

Aimer le jeu vidéo, c'est aimer tous les jeux vidéo, peu importe le support sur lequel il tourne. Aimer l'industrie des jeux vidéo, c'est aussi, pour ma part, souhaiter avoir une concurrence saine entre les différents acteurs majeurs du secteur, d'où mes attentes et déceptions dans la stratégie de Microsoft. J'espère bien entendu que la section Xbox de Microsoft brille à nouveau, comme ce fut le cas pendant l'ère Xbox 360. Bon jeu à toutes et à tous !

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