Test de What Remains of Edith Finch

Avatar de Thomas
, par Thomas

Il est certaines catégories de jeux qui ne répondent à aucun critère empirique. Technique, level-design, game-design,  gameplay… Tout cela est tout à fait insignifiant. Le gros problème que ces jeux posent aux gens censés les tester est qu'ils n’offrent aucune once de terre ferme et objective sur laquelle les évaluer, ce qui entrainera donc beaucoup de désaccord et de sourcils froncés. What Remains of Edith Finch fait partie de ces jeux, et il incombe à Playerone.tv de le tester comme tous les autres. Le dernier né de Giant Sparrow n’échappe donc pas au jugement ultime et c’est à vous de découvrir dans ce test réalisé via une version Steam achetée par nos soins pourquoi What Remains of Edith Finch est une expérience des plus singulières délicieusement aigre-douce.

Quand la technique s’emmêle

On l’a déjà dit, et on le redira sans doute : quiconque jugera What Remains of Edith Finch sur des critères graphiques aussi terre-à-terre qu’objectifs passera à côté de l’essence même du jeu. Pourtant, dans un souci d’extrême objectivité et même s’il m’est très difficile de le faire, je me dois de toucher un mot des graphismes : ils sont, au mieux, moyens. Si les quelques trailers que vous avez vu ont titillé votre rétine exsangue, c’est qu’il vous faut certainement des lunettes. Sur PC, le jeu se permet des baisses de framerate outrageuses au vu de sa qualité graphique pour le moins inférieure. Pire encore, sur certaines phases de gameplay, le jeu accumule les défauts techniques : clipping, aliasing et affichage-ing tardif de texture convaincront très vite le joueur que la force pure d’Edith Finch ne repose en aucun cas sur ce qu’on voit. 

Quant au gameplay, pas de surprise là non plus. Le jeu propose pourtant des phases variées, allant d’un FPS très modeste en cel-shading, à des phases de jeu et de gameplay type aventure beaucoup plus classiques et beaucoup moins entêtantes. Mais l’extrême variété des phases de gameplay, et son aspect somme toute sympathique ne parvient pas à faire oublier la maniabilité cauchemardesque de certains jeux avec le tandem clavier / souris. Steam recommande chaudement d’y jouer à la manette, je ne peux que corroborer l’analyse de la plateforme de Valve : certaines phases de jeux, si jouées au clavier, vous feront sauter au plafond de rage et de frustration. La faute notamment à une caméra fixe pas toujours très inspirée et surtout a une certaine rigidité des personnages qui fait que le joueur a plus l’impression de manier un airbus A380 de 120 tonnes que des personnages minces et filiformes de 40 kilos. En un mot comme en cent : si vous jouez sur PC, privilégiez le jeu à la manette.  

Voilà, c’est fait. Maintenant que le côté lourdaud et rébarbatif de la technique a été mis de côté, il faut se pencher sur tout ce que What Remains of Edith Finch représente dans son âme. Quiconque attend de ce jeu une technique irréprochable alliée à un game-design des plus inspirés se trompe éhontément sur ce que ce jeu veut accomplir.  La question de la technique, bien qu’importante dans la généralité, n’est absolument pas primordiale ici, et ceux qui jugeront le jeu sur ce critère passeront nécessairement à côté du chef-d’œuvre narratif que représente What Remains of Edith Finch.

Ce qu’il reste d’Edith Finch

Le joueur incarne donc Edith Finch, une jeune adolescente qui revient sur les pas de son enfance à travers le manoir familial qui a vu tomber de façon autant mystérieuse que dramatique tout son arbre généalogique. Il en revient donc à Edith d’élucider ce mystère à travers les notes et les journaux intimes laissés par tous les membres de sa famille déjà décédés. C’est à travers leurs histoires incroyables, frisant parfois la bizarrerie singulière, qu’Edith va peu à peu recoller les pièces de puzzle pour voir à travers le brouillard ambiant qui entoure le manoir de l’arrière-grand-mère d’Edith. Ainsi, le jeu est découpé en plusieurs histoires, bercées au rythme de la narration divinement construite. L’histoire du dernier bébé de Giant Sparrow, c’est à peu de choses près, notre histoire à nous. Celle d’une famille qui se réconcilie au contact du récit de chacun. A travers les yeux d’Edith, c’est toute la complexité d’un arbre généalogique qui prend vie, chahuté par les flots inconstants de ce qui compose précisément une vie de famille : disputes, brouilles, arguments, rage. Au-dessus de tout cela vient s’ajouter la vie interne du manoir qui raconte ses propres histoires, à travers son univers inquiétant et discordant. Le travail d’Edith, et par extension celui du joueur, va être de remettre en ordre ces histoires, une par une, et de découvrir ce que cache ce manoir que d’aucuns appelleraient hanté.

Le scénario forcément morcelé de l’histoire de la famille d’Edith aurait très largement pu tomber dans les abysses de l’ennui à travers une répétitivité certaine. Sur ce point-là, Giant Sparrow s’est sort avec brio, puisque même s’il est difficile de faire s'échapper une linéarité dans les mécaniques de jeu, le scénario parvient à captiver assez pour pouvoir tenir le joueur en haleine pendant les trois à quatre petites heures qu’il offre. Au-delà de cela, c’est tout une ambiance qui s’échappe d’Edith Finch. Les doublages anglais sont à la hauteur de l’écriture extrêmement bien maîtrisée. Chaque mot est choisi et parlé avec la classe et l’aisance des meilleurs narrateurs et l’ambiance qui s’en dégage oscille constamment entre l’onirique et le cauchemardesque.

Car Edith Finch n’est pas à mettre en toutes les mains. Si, à aucun moment, le joueur ne sursautera ou ne se rongera les ongles de peur, le jeu des studios américains n’offre pas au joueur un monde des plus apaisants. What Remains of Edith Finch est un jeu résolument dérangeant, de par le thème qu’il s’échine à aborder. La mort est constante, et elle ne fait aucun cadeau, ni n’épargne personne. La malédiction qui pèse sur la maison familiale est réelle et il revient au joueur d’en découvrir la teneur, à son propre risque.

Pour ceux qui voient une certaine beauté dans la mort, pour les fans de la première heure des jeux à la David Cage, pour les adorateurs de la narration à la The Bunker, et pour les détracteurs des jeux à la technique irréprochable mais à la contenance famélique, What Remains of Edith Finch sera un chef d’œuvre. L’histoire qu’il raconte avec virtuosité en dépit de mécaniques de gameplay surannées, parle forcément aux sentiments et aux émotions. Pour peu que le joueur que vous êtes sache s’extirper des limbes purement objectives de la technique, What Remains of Edith Finch est un jeu narratif diablement bien maîtrisé, qui n’a rien à envier au ténor reconnu de la narration, le bien-nommé Neil Druckmann. C’est d’ailleurs ce même Neil Druckmann qui apparait dans les crédits du jeu des studios de Santa Monica, comme un adoubement à peine tacite de la maestria narrative de ce jeu adorablement doux-amer.

Réalisation technique

13 / 20

Direction artistique

18 / 20

Level design

15 / 20

Gameplay

14 / 20

Scénario

18 / 20

Bande sonore

17 / 20

Durée de vie

12 / 20
  • Excellemment narré
  • Ambiance au poil
  • Histoire singulière et captivante
  • Mini-jeux variés
  • Concept risqué mais maîtrisé de bout en bout
  • Gameplay clavier / souris cauchemardesque
  • Techniquement moyen
  • Court

Verdict

16 / 20