Test de A Plague Tale: Innocence

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, par Thomas

Après avoir dévoilé un jeu aussi mystique qu’intriguant en janvier 2017, il est enfin temps de voir A Plague Tale: Innocence pointer le bout de son museau. Un peu à l’image de ce qui s’est fait avec Vampyr, Focus Home Interactive a mis les bouchées doubles sur la communication, en mettant l’emphase sur le développement du jeu chez Asobo à travers quelques webseries bien inspirées. Trève de fanfaronneries spécieuses et vides, il est temps de voir ce que ce A Plague Tale a dans le bas du ventre, et on espère tous qu’il n’a rien de contagieux. Réponse dans ce test de A Plague Tale: Innocence, testé à partir d’une version achetée par nos soins sur PC.

Ta-rat-ta-ta

Le royaume français dans les années 1300. Voilà un thème qui n’a pas rencontré franc succès dans le jeu vidéo pour le moment. C’est pourtant le contexte dans lequel le dernier né d’Asobo nous plonge. Bien évidemment, à un tel moment de l’histoire, la compassion, le respect d’autrui, l’indépendance, ne sont pas des valeurs crânement partagées par tous, mais nous en reparlerons très vite.

Le jeu nous fait partager le destin d’Amicia De Rune, jeune fille appartenant à la famille De Rune, l’une des plus riches du Royaume français. Autant dire que les écus ne sont pas un problème pour elle. En revanche, au fur et a mesure que je le jeu progresse, le joueur va apprendre, au travers de bon nombre de péripéties, qu’Amicia n’est pas qu’une rouquine écervelée ressemblant un brin à Alloy… Elle a plus d’un tour (de fronde) dans son sac.

Au début de l’aventure, tout ce qu’il sera demandé au joueur est avant tout d'éviter toute confrontation frontale avec les gardes de l’Inquisition venus chercher des noises à sa famille, pour une raison que vous découvrirez très vite. Ainsi, les principales mécaniques de gameplay seront assez simples : vous cacher dans les hautes herbes (peut-être qu’un jour un studio trouvera un autre moyen de faire cacher ses personnages), contourner les tables pour vous dissimuler etc. Du point de vue du HUD, c’est très simple. Pas de vision d’aigle, pas de vue d’expert qui permet le cheat de voir au travers les murs.

Amicia, et son petit frère Hugo qui vous accompagnera tout au long de l’aventure, est une personne tout à fait normale. A votre grand désarroi, il faudra donc jouer avec la caméra et vous aider du strict minimum. Un coin de votre écran scintille pour vous indiquer qu’un ennemi approche. Un peu (beaucoup) à la manière d’un jeu Ubisoft bien connu, les soldats passent par plusieurs états d’alerte, qui est indiqué au travers d’une jauge qui apparait au-dessus de leurs têtes. Jauge blanche pour indiquer que l’ennemi a vu quelque chose de bizarre, et jauge rouge pour signifier aux joueurs qu’il vaut mieux se barrer très vite.

Bien heureusement, Amicia est tout de même dotée d’un outil qui va lui être très utile : sa fronde. Elle va pouvoir balancer des pierres sur des objets métalliques et ainsi tromper les gardes et pouvoir passer dans leur dos. Ne jouez pas au plus malin : rester niché dans votre cachette et lancer des pierres sur le même objet métallique 3 fois va de suite alerter les gardes qui vont courir à votre emplacement, pendant que vous courez à votre perte. L’occasion alors de noter une IA très sensible et franchement pas débile du tout. En revanche, sa précision est erratique et il arrive parfois qu’elle nous laisse tout bonnement passer devant elle, sans qu’elle n’y voit rien à redire. A l’inverse, il nous est arrivés de pester à gorge déployée à cause de son extrême sensibilité. Il nous a même fallu à un moment d’infiltration au chapitre XIV déclencher un bug de l’IA pour qu’elle nous laisse filer. Un poil érintant.

La-rat Croft

Cantonner A Plague Tale: Innocence à de vulgaires phases d’infiltration répétitives et forcées serait un mensonge. Au fur et à mesure de la quinzaine d’heures qu’il vous offre, et au gré de ses 17 chapitres, le petit bébé d’Asobo parvient à diversifier les phases de gameplay pour ne jamais embourber le joueur dans une routine ennuyeuse. L’arrivée des rats au troisième chapitre joue pour beaucoup dans cette relative renaissance.

Les incroyables et très intimidantes vagues de rats qui s’opposent à la progression d’Amicia viennent à point nommé, car elles offrent aux joueurs de toutes nouvelles perspectives de gameplay. Ainsi, inutile d’essayer de les combattre à mains nues. Les hordes de rats ne feraient qu’une bouchée de votre frêle corps. Plutôt, il va falloir jouer de ruses et de puzzles car, il est une chose qu’on sait tous, c’est que les rats adorent manger, mais détestent la lumière. Au travers d’énigmes parfaitement calibrées, à la difficulté jamais embarrassante, Amicia et Hugo vont devoir non seulement se défaire des rats mais en plus échapper aux gardes de l’Inquisition venus capturer Hugo.

Un peu à l’image de Lara Croft, Amicia va au fur et mesure du jeu se transformer en véritable guerrière. On perçoit très vite l’éventail de possibilités que le jeu va offrir au travers d’un système de craft banal mais très évolutif. Ainsi, Amicia va se transformer en alchimiste avertie et sera capable de préparer des potions capables de battre les ennemis au corps à corps, bien que l’infiltration reste encore le moyen le plus efficace d’arriver à vos fins. Au contraire de cette bonne vieille Lara, Amicia n’en perd aucunement son humanité : elle devient certes une guerrière aguerrie, mais ne plonge jamais dans l’inhnumain ou la caricature. Asobo a réussi à éviter le piège dans lequel Crystal Dynamics s’était jeté quelques années auparavant et c’est plutôt une bonne nouvelle.

na-rat-ion

Ancrée dans un royaume de France aussi beau que vaste et aussi vaste que dangereux, la narration est la plus belle réussite du jeu d’Asobo. Dès le début du jeu, le joueur est véritablement happé par le contexte dans lequel le jeu s’inscrit, tout autant que par la narration. Les changements de rythme et les twists d’intrigue ne sont pas du tout étrangers à cet attachement viscéral qu’on éprouve pour les personnages, et ce malgré une écriture parfois très caricaturale et cousue de fil blanc. Impossible de ne pas ressentir une sympathie mêlée d’affection pour la quête d’Amicia et d’Hugo, ainsi que tous les autres personnages qu’ils rencontreront sur leur chemin et qui feront à eux tous, le sang et la peau de cette histoire haletante.

Cette narration est sublimée par des éclairages et des paysages d’une vigueur et d’un panache rarement effleurés sur PC et en ultra.  La palette de couleur est large et le level design diablement bien orchestré. On regrettera pourtant quelques ralentissements sur PC, notamment quand nos amis les bêtes sont trop nombreuses à afficher. Rien de bien handicapant, mais assez frustrant pour qu’on puisse tout de même les signaler. Cette ambiance, tantôt enchanteresse, tantôt anxiogène doit énormément au travail musical opéré par les studios français de Bordeaux et Olivier Derivière. Les musiques sont extrêmement bien choisies et ne se privent d’aucune fantaisie, tout en gardant une cohérence chronologique jamais prise à défaut. Dommage alors que les doublages français frisent très souvent le ridicule, la faute à des dialogues très stéréotypés et simplistes. En VO, le jeu n’offre pas beaucoup plus, bien que les studios aient opté pour le réalisme, avec des personnages qui parlent anglais avec un très fort accent français.

Du point de vue narratif, pourtant, on déplorera évidemment un manque de rat-mifications scénaristiques qui auraient permis une rejouabilité accrue. Il faut bien avouer que le jeu, s’il ne susurre qu’à demi-mot la possibilité d’une suite, n’encourage pas tellement le joueur à se replonger dans l’univers pourtant dantesque dépeint par les studios français. Le joueur n’a aucun pouvoir sur les personnages qu’il contrôle, et se retrouve en spectateur-acteur de cinématiques aussi jolies qu’elles peuvent être fragiles.

Après Ratatouille en 2007 et The Crew en 2014, Asobo signe là sa plus belle réussite. Loin d’être exempte de tous reproches, elle parvient tout de même à offrir une ambiance tellement cohérente et précise qu’on pourrait lui pardonner ses plus grands défauts. Pas de doute, A Plague Tale: Innocence, est bien la plus belle des pestes. 

Réalisation technique

17 / 20

Direction artistique

15 / 20

Level design

15 / 20

Gameplay

15 / 20

Scénario

16 / 20

Bande sonore

15 / 20

Durée de vie

15 / 20
  • Plutôt très joli
  • Gameplay varié
  • Histoire captivante
  • Une quinzaine d'heures
  • Ambiance léchée
  • Très belles musiques
  • Dialogues risibles
  • Quelques bug d'IA
  • Quelques ralentissements
  • Très peu de rejouabilité

Verdict

15 / 20