Depuis la sortie des consoles nouvelle génération de Sony et Microsoft, les rumeurs pleuvent absolument dans tous les sens. Face à ce déluge de fake news et autres fantasmes relayées par la presse jeux vidéo, les « influenceurs » et les joueurs / joueuses, je souhaite exprimer le fond de ma pensée sur ce phénomène qui a toujours existé, mais qui se renforce encore plus dans ce moment particulièrement calme en nouvelles annonces officielles. Comme toujours, je vous invite, après lecture à débattre de tout cela avec moi sur mon compte Twitter, et sur ma page Facebook.
Presse écrite – Le buzz devant la pertinence
Il ne se passe littéralement plus une seule journée sans rumeur. C’est en tout cas ce que je peux lire pour chercher de nouvelles informations sur mes sites de référence et sur les réseaux sociaux quand je manque de communiqué de presse pour écrire de nouveaux articles. Cela a toujours existé, mais les rumeurs et autres fake news se multiplient depuis quelques mois, devant la relative mollesse de l’actualité gaming.
Autant être honnête avec vous, je relaie parfois moi-même des rumeurs de sources que je juge assez fiables, mais je fais toujours très attention à deux choses : la pertinence des « annonces », et surtout, l’emploi du conditionnel avec une grande insistance sur le caractère non officiel de tout cela. Ce n’est pas compliqué à faire, mais faire passer une rumeur pour une information permet aux lecteurs de davantage se sentir impliqués en partageant plus facilement l’objet d’un potentiel buzz. Et le buzz, ça fait cliquer, donc afficher des pubs, donc rapporter de l’argent.
Pas plus tard qu’hier, un ami, ex-rédacteur bénévole pour Playerone.tv, du temps où ce projet n’était qu’une association et non une entreprise comme aujourd’hui, m’a fait découvrir la manipulation d’une rumeur autour de GTA 6. On peut en effet lire, sur ce site à très forte affluence, que « La sortie de GTA 6 est reportée ». Comment la sortie d’un jeu non annoncé par Rockstar peut-elle être reportée ? Même constat avec les rumeurs récemment dévoilées par Jason Schreier sur le site Bloomberg, mais je reviendrai sur ce sujet « brûlant » en fin d’édito.
La presse se dégrade depuis des années. Les plateaux TV sont maintenant remplis d’éditorialistes et communiquants au profit de véritables journalistes, on préfère maintenant faire du sensationalisme à de l’information neutre. Donner un avis peut-être très intéressant, c’est d’ailleurs ce que je fais dans cet édito et dans certaines vidéos d’humeur, mais il devient quasi impossible d’avoir des articles parfaitement neutres, qui ne relaient que les faits, sans donner un avis ou une prédiction. Comme si les lecteurs et lectrices étaient incapables de tirer du sens de ce qu’ils lisent et de se faire leur propre opinion. Une infantilisation très à la mode dans beaucoup de secteurs où il faut absolument dire aux gens quoi faire, quoi penser.
Finalement, ce que je reproche le plus aux grands sites gaming, ce n’est pas forcément de relayer des rumeurs, mais de faire passer des rumeurs pour des vérités / informations officielles, et de voir le potentiel de buzz avant la pertinence du contenu qui sera partagé sur les réseaux sociaux. Une logique de popularité avant la crédibilité. Navrant !
Influenceurs – Le clic avant la crédibilité
Qu’est-ce qu’un influenceur ? La signification de ce terme est claire : influencer un troupeau de followers en vue d’obtenir une opinion favorable de celui-ci. Ou défavorable, mais c’est beaucoup plus rare. Chez les influenceurs, la vie est belle, les publications sont presque toujours très fleuries, et les coups de gueule sont très rares. Vous vous souvenez de l’état dans lequel est sorti Cyberpunk 2077 en fin d’année 2020 ? Des bannissements récents des joueurs et joueuses de Call of Duty: Black Ops Cold War en Zombies ? Je n’ai pas vu la moindre vidéo ou le moindre article à charge chez les maîtres du clic.
Généralement sponsorisés à grands coups d’opé-spé (des articles ou vidéos sponsorisées), les influenceurs n’ont pas toujours de véritables connaissances sur le sujet traité, mais ne font que relayer des propos très markétés par des sociétés qui gèrent les relations entre les entreprises et les « stars » des réseaux sociaux. Voilà pourquoi tout est toujours très beau, très édulcoré, et également très superficiel, parce qu’on ne peut pas forcément voir le diable qui se cache toujours dans les détails.
Chez les influenceurs « prophètes », on peut voir également une technique largement partagée : celle de faire des prévisions tellement nombreuses que les gens ne retiendront que celles qui se réalisent en oubliant les 254 autres idioties qui n’étaient que le fruit de leur imagination. Les influenceurs ont un avis sur tout et passent leur temps à le donner en se répétant ad nauseam sur leurs réseaux sociaux pour abreuver le troupeau de la sainte parole. Encore une fois, on infantilise beaucoup les audiences en leur imposant des schémas de pensées pré-mâchés, par crainte que les joueurs et les joueuses ne puissent pas saisir le bon message.
Le problème majeur est que ce merveilleux monde de l’influence a débarqué en masse dans les rédactions de jeux vidéo (mais pas que), en massacrant des lignes éditoriales par douzaines. Maintenant habitués aux buzz, à la hype et aux opé-spé, beaucoup de joueurs et de joueuses ne savent plus faire la différence entre un contenu neutre d’un contenu orienté. Cela profite bien entendu aux éditeurs et constructeurs qui peuvent compter plus que jamais sur la complaisance des médias devenus, pour certains, de véritables porte-paroles.
Bien entendu, mon but n’est pas de généraliser. Il existe encore de très bonnes rédactions gaming, d’excellentes vidéos sur internet et des personnes de confiance qui font leur maximum pour vous informer tout en vous divertissant, mais je trouve que la dégradation du milieu s’intensifie de plus en plus. Je ne citerai pas de noms dans cet édito, mais essayez simplement d’analyser par vous-même l’internet de 2010 à ce qu’il est devenu en 2020 / 2021, et vous verrez de quoi je parle.
« Insiders » – Qui sont-ils vraiment ?
Quand on travaille dans le gaming, que ce soit à ma place ou dans des grands studios, tous les projets sont soumis à ces fameux NDA (accord de non divulgation). Par exemple, quand je reçois un jeu vidéo en avance (avant sa sortie officielle), ou une console, l’éditeur ou le constructeur exige qu’aucune information ne sorte de chez moi. Les développeurs sont soumis aux mêmes conditions quand ils travaillent sur un jeu non annoncé. Quand le titre est annoncé, la liberté d’expression est également très pauvre de la part des développeurs, pour ne pas court-circuiter les étapes de communication d’un marketing très coûteux. Cela mériterait un édito à part entière, mais ce que je veux surtout dire est que les informations n’ont jamais autant été contrôlées que depuis quelques années.
Alors quand une personne sur Twitter ou sur YouTube vient fanfaroner que Silent Hill sera annoncé sur PS5 en exclusivité depuis des mois, ou que Hideo Kojima va faire un jeu exclusif à la Xbox Series, il faut vraiment considérer ces « informations » comme d’énormes rumeurs. Les « insiders » sont généralement des joueurs ou joueuses « lambda » qui lisent beaucoup de choses sur internet, et qui « entendent parler » de manière parfois très farfelue. Si tous ne sont pas forcément dans une recherche de popularité, l’ego me semble quand même être leur moteur de motivation n°1 pour la plupart.
Le problème n’est pas foncièrement que ces personnes s’inventent en prophète, mais plutôt que de grosses rédactions et des grands noms de l’actualité gaming leur apportent plus d’importance que ce qu’ils ne méritent vraiment. Se met alors en place un cercle vicieux où la recherche de popularité des insiders est renforcée par les médias, influenceurs et youtubers. Une recherche de buzz de part et d’autres qui s’auto-alimente souvent dans le néant, mais qui fait cliquer.
Imagination débordante et déformation de bribes d’informations
Si les rumeurs vont si loin, et que de véritables buzz se déclenchent rapidement, c’est bien parce que beaucoup d’informations sont tronquées, déformées, voire parfois simplement issues de l’imagination débordante de certains faux prophètes. Ces derniers jours, le cas de l’article de Jason Schreier dans Bloomberg me paraît être un très beau cas d’école.
Jason Schreier souhaitait simplement exprimer son point de vue sur l’évolution des PlayStation Studios, avec un Sony qui, selon lui, ne miserait plus autant sur des projets originaux qu’avant. En citant quelques exemples de ses sources dans quelques studios de Sony, beaucoup de médias ont éclaté cet article en ne piochant que de potentielles annonces. De la volonté de Jason Schreier à mettre en avant sa vision de l’évolution de PlayStation, nous nous sommes ensuite retrouvés, dans la presse internationale, avec des articles annonçant la sortie de The Last of Us Remake et l’annulation de Days Gone 2 ainsi que le développement de Uncharted 5 sur PS5.
A aucun moment Jason Schreier n’a écrit cet article dans Bloomberg pour faire ce genre d’affirmation, mais les informations ont été choisies et éloignées de leur contexte initial.
Ces dernières heures, toujours en provenance de chez Bloomberg, il a été dit que Square Enix cherchait à se faire racheter. Malgré le démenti de l’éditeur / développeur, beaucoup voient encore un message caché en déformant la réalité. Square Enix cherche peut-être effectivement à brouiller les cartes auprès de ses investisseurs, mais à quoi bon orienter la pensée des lecteurs et lectrices en mettant cette hypothèse dans un article, à la base, purement informatif ? Les gens sont sans doute assez intelligents pour penser ce qu’ils veulent, n’est-ce pas ?
Les fans(boys) ruinent les réseaux sociaux
Microsoft rachète la Terre. Sony rachète Pluton. C’est un peu ce que je pense quand je vois des fan(boys) se positionner en véritables « insiders » à la moindre trace d’une éventuelle piste. Depuis le rachat de Zenimax / Bethesda par Microsoft, les fanboys Xbox voient des rachats partout. Une manette bleue sur le bureau de Phil Spencer ? SEGA va être racheté par Microsoft ! Quatre personnes de chez PlayStation qui félicitent Capcom pour les 25 ans de succès de la série dans le dernier Resident Evil Showcase ? Sony rachète forcément Capcom !
Depuis fin 2009, moment où j’ai créé Playerone.tv, je n’avais encore jamais vu autant de division chez les joueurs. Le phénomène des fanboys a littéralement explosé depuis fin 2019 où Sony et Microsoft ont commencé à parler de la Xbox Series X et de la PS5. La guerre des consoles a toujours existé, mais je trouve que nous avons atteint un véritable palier dans la débilité, notamment du côté des verts qui voient Microsoft racheter l’industrie dans son intégralité et qui n’hésitent pas à fantasmer les choses les plus improbables. De grosses vagues de désinformation ont également fait le tour du web, par leur faute. Le fanatisme touche malheureusement toutes les franges du gaming, mais je trouve que c’est de pire en pire. Les réseaux sociaux n’ont pas que du bon, ils donnent aussi la parole à des usurpateurs qui font beaucoup de mal à la pertinence d’une information.
Encore une fois, les fanboys ne dérangent qu’eux-mêmes en vivant très souvent dans une sorte de monde parallèle qui les regarde, mais quand le plus grand affabulateur arrive à « percer » en faisant la une de gros sites internationaux qui ont mordu à un hameçon aussi gros qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine, c’est un vrai problème. Cela concernait, de mémoire, le rachat de SEGA par Microsoft. Les sites complices de cette fake news sont passés pour des imbéciles.
Mon comportement face aux rumeurs
Comme je vous l’ai dit un peu plus haut dans cet édito, j’essaie au maximum d’être le plus clair et transparent possible dans mon traitement des informations et des rumeurs. Cela n’est pas toujours simple, mais loin d’être impossible. Les journées où peu d’actualités officielles sont disponibles, je préfère ne rien publier que de participer à cette cacophonie et ces festivals de rumeurs.
Tout ça pour dire qu’il ne faut pas croire tout ce que vous pouvez lire sur internet. Les gros sites sont de moins en moins qualitatifs pour certains, les réseaux sociaux sont truffés d’âneries, et les plateformes à influenceurs ne sont pas toujours honnêtes avec vous. A une époque où on aime particulièrement mettre les joueurs, les joueuses, les journalistes et les autres acteurs de l’industrie du gaming dans des cases (pro-machin ou pro-truc), rappelez-vous surtout que les jeux vidéo sont faits pour être un divertissement, mais un divertissement qui rapporte des milliards de dollars à beaucoup de personnes. Mieux lire et bien comprendre ce qu’on lit est selon moi primordial, mais il est de plus en plus compliqué de vraiment voir rapidement ce qui est vrai de ce qui pourrait l’être.
Je remercie en tout cas très chaleureusement tous mes abonnés / lecteurs / lectrices. Depuis toutes ces années, votre confiance m’a toujours touché droit au coeur ! C’est un véritable plaisir de travailler pour vous, et une aventure qui m’emplit de bonheur chaque jour.