Depuis quelques années maintenant, l’action de précommander un jeu vidéo, une console, un smartphone ou tout autre objets high-tech semble s’être totalement ancrée chez les consommateurs. Dans cet édito, je souhaitais vous mettre en alerte sur les conséquences qu’une précommande peut induire lorsqu’elle est inutile, et ce qui mériterait d’être précommandé, ou non.
Pourquoi on vous pousse à la précommande ?
A chaque annonce d’un nouveau jeu vidéo à gros budget (FIFA 21, Call of Duty, Battlefield, Zelda, The Last of Us etc.), il est maintenant possible de précommander ce même titre sur Steam, Epic Games Store, PlayStation Store, Nintendo eShop, Microsoft Store et bien d’autres.
Je vais être franc avec vous : cette pratique exploite une phobie largement partagée par la planète entière : la pénurie / rupture de stock. Quoi de pire que de ne pas avoir accès à un produit que l’on souhaite posséder depuis longtemps ? Or, si cela pouvait être vrai quand l’industrie des jeux vidéo était « petite », cela n’est plus du tout le cas à l’heure actuelle.
La précommande est devenue un modèle économique à part entière
Sur de nombreux stores, vous êtes débité à la précommande, et il est souvent très difficile de vous faire rembourser un jeu que vous avez déjà précommandé. En gros, vous avez acheté un jeu avant sa sortie, vous n’avez même pas encore le produit, mais vous ne pouvez pas le revendre ou changer d’avis.
Comprenez bien que le fait de vous faire payer massivement des précommandes, parfois plusieurs mois ou années avant la sortie d’un jeu est devenu un modèle économique à part entière. En gros, un jeu vidéo peut déjà commencé à être rentabilisé avant même d’être sortie. Cela pourrait être un bon point, mais l’utilisation de ces sommes est inconnue à l’heure actuelle.
Arrêtez de précommander des jeux vidéo !
Le titre d’un jeu n’est pas un gage de qualité
Ce qui motive cet édito ? Je vois trop souvent des joueurs et des joueuses précommander un jeu à la simple annonce d’un titre ou d’un trailer qui ne représentera pas forcément la qualité du jeu. Vous êtes en effet très nombreux à vous plaindre tous les ans du peu de nouveautés de la série FIFA par exemple, mais vous ne cessez d’acheter et précommander le nouvel opus tous les ans, avant même de savoir s’il sera bon, ou pas.
J’ai pu voir la même chose pour le prochain Star Wars: Squadrons, mais également, ces dernières années, pour la plupart des gros titres. Je vous invite à calmer la « précommandite aigüe » en prenant le temps de savoir un minimum si le jeu sera qualitatif ou pas, histoire d’encourager les éditeurs et développeurs à faire du bon travail, et pas uniquement une bonne campagne marketing.
Pour en revenir à Star Wars: Squadrons, je me rappelle d’ailleurs que les précommandes ont été ouvertes après la diffusion du premier teaser qui ne comportait aucune image du jeu, mais seulement des séquences en CGI qui ne représentaient pas vraiment les graphismes du titre. Même constat pour FIFA 21. Aucune information sur son contenu et son gameplay n’était d’ailleurs disponible, mais vous pouviez déjà précommander le titre. Vous achèteriez une maison avant même qu’elle soit construite, vous ? Sans l’avoir jamais vu auparavant ?
Le dernier cas en date est Crysis Remastered. Ouvert aux précommandes avant même d’avoir fourni la moindre image du jeu, Crysis Remastered est finalement reporté suite à la grogne des joueurs. Preuve supplémentaire qu’il ne faut pas faire confiance aveuglément aux éditeurs qui cherchent à vous vendre le plus tôt possible leurs jeux.
Je vois personnellement les précommandes comme un abus de confiance des éditeurs envers les joueurs. Tant que vous achetez, ils ne se remettront pas en question sur de nombreux points, étant certains de vendre par palettes des jeux aux titres qui résonnent bien dans le coeur des gamers. D’autant plus qu’en 2020, précommander des jeux vidéo ne sert plus à rien.
La simple vue d’une image comme celle-ci peut entraîner une précommande
Les pénuries de jeux vidéo n’existent plus
En effet, les ruptures de stock n’existent plus pour les jeux vidéo. Les pénuries de jeux en boîte sont extrêment rares. Et quand bien même vous ne trouveriez plus FIFA 21 en boutique, les magasins digitaux en auront toujours, puisque les jeux dématérialisés ne sont plus concernés par ces questions de stocks. Un jeu digital peut être « cloné » à l’infini, sans notion de stock.
Les éditeurs jouent sur la peur ancestrale de la pénurie, en exploitant des angoisses qui n’ont pas lieu d’être en ce qui concerne les jeux vidéo. Beaucoup de joueurs et de joueuses sont de véritables passionnés, et les éditeurs le savent très bien. La peur de manquer une sortie majeure est pourtant pratiquement nulle, aujourd’hui.
Le seul intérêt de la précommande
Vous l’aurez sans doute déjà compris, je vous invite à ne précommander que des produits gaming qui sont liés de près à la notion de stock. Précommander une PS5 ou une Xbox Series X, voire un carte graphique ou une édition collector prend tout son sens, puisque des ruptures de stock se produisent souvent.
C’est en effet la seule solution qui vous garantira presque à 100% d’avoir votre grâal le jour J. Pour les jeux vidéo, c’est inutile, et particulièrement malsain pour une industrie du jeu vidéo qui est maintenant capable de vous vendre tout et n’importe quoi sans avoir dévoilé les qualités d’un titre.
Vous voulez toujours précommander Crysis Remastered en voyant cette image digne de 2007 ?
Mieux consommer pour une industrie plus saine
Si vous êtes un joueur ou une joueuse adulte
Pour élargir un peu plus ce constat autour des précommandes, je vous invite également à mieux réflechir aux conséquences de vos achats. Avec la démocratisation des boutiques digitales, les microtransactions et autres DLC que je qualifierais volontiers de « complètement inutiles » se sont généralisés dans la plupart des jeux à monde ouvert et multijoueur.
Ce n’est pas pour rien que des composantes RPG et de customisations visuelles sont ajoutées dans énormément de titres, puisque les éditeurs sont certains de pouvoir en vendre. A quoi servent ces skins et autres accessoires visuels ? Pour le joueur, à pas grand chose. Pour les éditeurs, à parfois prioriser le développement d’un titre autour de ce modèle économique plutôt que sur le contenu.
C’est en encourageant ce genre d’achats compulsifs que l’on se retrouve avec des Star Wars: Battlefront 2 complètement « pétés » en termes de progression (à sa sortie), des jeux multijoueur avec peu de maps (Hunt: Showdown) et des jeux « en kits » qu’il faut compléter avec des achats de DLC (la pratique est de moins en moins courante, heureusement).
Certes, la démocratisation des microtransactions et ventes de DLC mineurs contribuent également à faire des jeux toujours plus ambitieux pour le même prix que dans les années 2000, mais vous comprendrez que la manoeuvre est périlleuse. Tant que les joueurs ne déclenchent pas un « bad buzz » comme à la sortie de Star Wars: Battlefront 2, les sociétés tirent sur la corde. Dead or Alive est ses DLC cosmétiques à plus de 1500€ se payent d’ailleurs bien la tête des joueurs !
Si vous êtes parents d’enfants gamers
Votre enfant est un joueur ou une joueuse de jeux vidéo ? Mon conseil premier est de ne JAMAIS laisser enregistrée une carte de crédit dans le compte PlayStation Store, Microsoft Store, eShop ou autres. Les enfants n’ont pas, ou peu, la notion de l’argent, et ont tendance à se laisser tenter par des skins à la Fortnite pour faire comme les copains. Ont-ils vraiment besoin d’un chapeau rouge pour s’amuser ? Je ne crois pas ! Résister à des achats compulsifs les entraînera également à confronter la frustration, chose essentielle dans une vie pour ne pas devenir un prince à qui tout est due sans respect aucun.
Une société de surconsommation
Petit à petit, l’ère de la consommation de masse a laissé sa place à la surconsommation de masse. Le but de cet édito n’est pas de vous faire une leçon de morale, mais de mettre en lumière des habitudes de consommation qui finissent par nuire à la santé des jeux vidéo tels que nous les connaissons.
L’objectif clair et précis des éditeurs et constructeurs de jeux vidéo est de vous enfermer dans des modèles économiques desquels vous aurez du mal à sortir. C’est dans cette logique que Microsoft souhaite absolument vous attirer dans le Xbox Game Pass, Sony dans son PlayStation Now en prônant des tarifs très bas pour jouer à une tripotée de jeux vidéo.
Un fast food remplit le corps, mais ne laisse pas un souvenir impérissable d’un jeu. C’est un peu pareil avec le Xbox Game Pass et le PlayStation Now qui vous « forcent » à télécharger des dizaines de jeux que vous ne ferez majoritairement qu’effleurer quelques minutes ou quelques heures avant de passer au prochain.
Plus les années passent, et plus les géants du gaming vous enferment avec des abonnements en pagailles pour tenter de vous conserver chez eux. Du gaming à crédit, en quelques sortes. Entre précommandes abusives, abonnements au PS Plus, Xbox Live Gold, PlayStation Now, EA Access, Xbox Game Pass, uPlay+ (Ubisoft), Nintendo Online et jeux en kits, je reste persuadé que les joueurs ont la capacité de changer les choses pour que nous ne finissions pas devenir davantage des payeurs que des joueurs.
A l’aube de cette nouvelle génération de consoles de jeux vidéo, nous sommes également, je pense, à un tournant du gaming. Que voulez-vous vraiment dans les années à venir ? La force la plus puissante que vous avez en vous, concernant le futur des jeux vidéo, se trouve dans votre portefeuille !