Quand il était né du petit « one more thing » annuel à la conférence Ubisoft de l’E3 2016, notre cher éditeur cocorico avait surpris son monde en ne mettant pas un Assassin’s Creed, un Ghost Recon ou un Splinter Cell mais bien une toute nouvelle licence qui n’a pas d’armes à feu. Quoi, Ubisoft, on ne va pas faire la bagarre ? Et bien non. De son nouveau nom, Steep, le titre développé par Ubisoft Annecy fait désormais figure de tête de liste en 2016 pour la fin d’année avec Watch Dogs 2. Le pari est simple et complexe à la fois. Faire d’une discipline populaire et pointue, le ski, un open-world gigantesque, gavé d’épreuves en tout genre où challenge et liberté allaient cohabiter. Nous allons donc débriefer avec vous à travers ces quelques lignes afin de juger si oui ou non Steep a pris la bonne piste avec des développeurs passionnés dans leur élément montagnard, ou bien si l’avalanche l’a emporté sur son passage. Le test du jeu ci-dessous a été réalisé sur une version PS4 offerte par Ubisoft.
Micheline, t’es où ? Je te vois plus !
Quand des passionnés arrivent à convaincre Ubisoft de les laisser s’exprimer sur leur passion favorite, il n’en fallait pas plus pour la team Annecy pour mettre les chaussures et prendre les batons. D’ailleurs, on ne boudera pas notre plaisir qu’Ubisoft tente toujours, même en 2016, de créer des nouvelles licences et de laisser certains petits studios exprimer tout leur potentiel dans de bonnes conditions financières et artistiques. A la base, Annecy était un studio soutien plutôt qu’un studio lead, alors que pour Steep, la team des Alpes a pris les choses elle-même dans l’intégralité du développement.
Et quand on débarque dans les différents massifs proposés, un premier constat se fait ressentir. C’est grand, voire très grand, et la liberté dans les montagnes pourrait équivaloir à un No Man’s Sky. On se perd plutôt facilement, les descentes vertigineuses n’en fissent pas et les différents reliefs aperçus sont plutôt sympas. Evidemment, qui dit open world, dit soit l’ennui extrême et quêtes Fed-Ex, soit une ambiance réussie où l’on s’y plonge et replonge très facilement. Steep a en fait le cul entre deux chaises, puisque malgré toute la bonne volonté du studio de diversifier les différents massifs, on tourne un peu en rond en contenu proposé. Pour vous donner une idée assez claire, il n’y a par exemple pas de stations de ski à proprement parler, ou bien de pistes bien balisées. Ce n’est que du hors-piste. Alors vous nous direz, bah attend, le mec joue à Steep et il veut descendre sa piste bleue pour aller chercher son petit poulet au centre-ville du village ? Soit, mais il manque clairement d’éléments physiques et de diversité qui n’arrivent pas à extirper Steep de la simple descente entre deux rochers, 3 arbres et puis c’est tout. Bien, nous le confessons, il y a quelques chalets ici et là, qu’on peut probalement compter sur les doigts d’une main, et qui n’ont pas non plus grand intérêt et n’arrivent pas à créer une ambiance atypique montagnarde.
Un gameplay avec le cul entre deux skis
Toutefois, malgré ce défaut de variété d’environnement, Steep s’est toujours vendu comme étant une première simulation de ski. Bien, il était temps pour nous de lâcher notre bien vieux SSX et de nous mettre en piste. Quelle difficulté ! Steep cache très bien son jeu puisque le jeu est bien plus compliqué qu’il n’en a l’air. Et pourtant tout se passe avec les sticks qui gèrent votre vitesse, votre direction, votre freinage et vos différents types de saut. La distinction entre le ski et le snow ? Une réelle approche différente de la piste selon l’ustensile que vous choisirez pour descendre à la vallée. Le ski aura davantage ce côté prise large alors que le snow aborde ses phases d’attaque d’une manière toute autre. Les deux mécaniques diffèrent autant par la physique qui leur est attribuée, mais également par une restitution intéressante de développeurs pros de la glisse. Et là où Steep peut être cool, c’est justement dans les petits moments (vraiment courts) où le gameplay nous surprend par sa finesse et la portée de notre champ de vision qui nous oblige à slider différemment quand on ski ou qu’on snow. La calibration et la difficulté de prise en main viennent du dosage de votre stick, qui sera l’élément central du gameplay. Plusieurs heures sont nécessaires avant de commencer à « tricks » comme une légende, mais pour le coup, on voit bien que la team Annecy a essayé de complexifier une discipline en jeu vidéo souvent cataloguée dans les jeux arcades à fun immédiat.
Au-delà de l’apprentissage obligatoire du gameplay de Steep, il est aussi temps pour nous de nous confronter à d’autres skieurs / snowborders / parapentistes ou wingsuitistes. Et c’est là aussi où Steep se casse la gueule au tire-fesse. Les épreuves sont classiques mais tout de même sympas au début. Le problème, c’est qu’on en a aussi vite fais le tour que l’espace Piou-Piou aux Aravis. On retrouve donc les courses de chrono classiques, la traversée des portes, les concours de slides et de tricks et enfin le scoring à la SSX pour faire le beau gosse. Et voilà, plus question de variété, tout est là, distribué sur cette table. Evidemment, on peut très bien se promener dans Steep, comme dans tout open world, et le fun total réside justement quand certains potes vous rejoignent pour dévaler les pistes comme des bourrins.
Et sur cette piste-là, Steep promet au début une bonne dose de rire. On a bien, et cela peut être nous-même, un mec de la bande qui ne saura jamais prendre en main le jeu après des dizaines d’heures, et au départ, vous aurez chacun un niveau lambda. Comme le jeu gère en temps réel vos descentes, une bonne dose d’éclate débarque quand on attaque les pistes avec vos potes comme une bonne bourre sur des pistes bosselés dans les Alpes. Il suffit juste de créer une petite party, brancher chacun un micro et c’est parti. C’est d’ailleurs peut être le gros point fort à noter de Steep, qui crée, aussi rapide soit-il, un petit sentiment de total liberté avec ses potes. Genre comme un No Man’s Sky avec un mode en ligne par exemple, sans vilain jeu de Murray…
Fucking mur
Mais le level design du jeu, très mince, refait surface comme un mur caché dans de la poudreuse. Progresser dans Steep n’a rien de très compliqué puisqu’il suffira de rider jusqu’à trouver d’autres points de vues sur lesquels vous dégainerez votre magnifique paire de jumelle. Avec cela, vous observerez les spots au loin pour les débloquer et ainsi déverrouiller le raccourci pour vous y rendre. De plus, une fois que vous aurez débloqué les nouveaux spots maintenant accessibles, votre carte principale qui sert aussi de menu de navigation sera aussi « bordelière » qu’un Souk à Marrakech, avec des icônes qui se superposent les unes aux autres, qui rendent de ce fait, la navigation anti-ergonomique au plus haut sommet (ahah jeu de mot, sommet, steep, bon ouais ok…). Ah oui, nous allions oublier, il y a aussi un système de level-up qui ne vous débloquera que certaines nouvelles épreuves accessibles avec un niveau plus élevé. Pas de nouveau matos de glisse, pas de compétences, pas d’évènements particuliers. Bref, pas foufou non plus de ce côté-là.
Ah si, vous pouvez débloquer des skins ! Enfin débloquer, si vous débloquez le plafond de votre carte bleue pour acheter toutes ces merdes, hors de prix. Bref, nous n’allons pas épiloguer ad vitam eternam sur cette politique, mais Steep rentre lui aussi dans le maillage archétype de la production Ubisoft à rentabiliser quelle que soit la manière. Comptez d’ailleurs la dizaine / quinzaine d’heures pour atteindre le lvl 25 et débloquer toutes les zones du jeu pour ensuite avoir une durée de vie qui va jongler entre le plutôt long si vous adhérez énormément au concept multijoueur libertin de Steep, ou bien moins si le peu de renouvellement vous aura fait déchausser bien plus rapidement.
A 3000 mètres d’altitude, on peut considérer que t’es pas moche
Enfin, le petit point technique qui va bien pour terminer ce test. Steep s’en sort plutôt honorablement sur la gestion de la physique, notamment le snow et le ski comme on l’a cité, avec un réel poids et une retranscription dans l’environnement vraiment sympa. La neige, élément visuel central est elle aussi chouettement modélisée. Quelques effets d’éclairages dynamisent le tout avec des jeux de couleurs sympas, notamment grâce à l’effet du soleil sur l’environnement et sur la neige. Mention aussi aux traces de notre paire de ski ou de notre snow qui restent dans la neige et dont le rendu claque pas mal. En revanche, quand on s’écarte, le tableau s’assombrit clairement avec des environnements pas franchement folichons, peu de diversité, un rendu des arbres et des rochers qui auraient pu mériter meilleures finitions et un moteur de collisions clairement pas assez étudié. Il y a réellement des soucis de collisions pour simplement repartir sur la piste quand vous vous prenez un rocher ou un chalet en pleine figure. Ce n’est pas l’élément central à critiquer, mais il n’est pas là pour aider non plus.
Tu rejoins mon crew de la glisse ?
Force est de constater que le projet était peut-être un peu trop ambitieux pour la team Ubisoft Annecy. Faire de Steep le porte étendard de la glisse simu dans un open world constitué de massifs mythiques était peut-être un pari trop risqué. D’ailleurs, dîtes-vous bien que si vous jouez à Steep, il est important qu’au délà de l’étiquette Ubisoft, la team Annecy a mis beaucoup d’énergie afin de vous livrer un jeu qui pouvait correspondre à leur vision à eux, proche des stations, malgré les objectifs calendaires et financiers d’Ubisoft. Malgré cela, et ses quelques qualités comme son gameplay à différents niveaux de progression ainsi qu’une grandeur de map excitante, le soft n’arrive clairement pas à aller au délà de ses ambitions, aussi mesurées étaient-elles. L’ennui arrive vite, le renouvellement n’arrive jamais, la lassitude pointe son nez trop vite. Dommage, surtout lorsqu’il s’agit de s’attaquer à l’une des disciplines les plus préférées de nous autres Français. En réalité, et c’est peut-être à tort, on pourrait qualifier que Steep est un peu le The Crew du ski malgré ses bonnes idées. Bon, avec un gameplay plus technique et un fun qui a réussi à exister toutefois. Ce n’est déjà pas si mal. De plus que « askip », du contenu va arriver avec davantage de diversité… Allez, ça ira pour cette fois. A réserver pour à tous skieurs et skieuses qui ne pourront malheureusement pas fouler les pistes cette année.
Verdict : 12 / 20