Test de Everybody’s Gone to the Rapture

Dans une industrie du jeu vidéo qui peut paraitre parfois assez formatée depuis l’avènement de gros AAA du même genre, la scène indépendante est un refuge qui permet de voir autre chose. Vous connaissez déjà les travaux de The Chinese Room avec Korsakovia, Dear Esther et Amnesia: A Machine for Pig ? Si oui, vous savez alors déjà que Everybody’s Gone to the Rapture n’est pas un jeu comme les autres, en proposant une aventure différente. Si vous n’avez jamais entendu parler de ce studio, ce test de Everybody’s Gone to the Rapture réalisé sur PS4 via une version presse fournie par Sony devrait répondre aux divers questions que vous vous posez sur cette production très atypique.

L’ambivalence de la fin du monde

Bien entendu, nous ne vous dirons pas grand chose du scénario de Everybody’s Gone to the Rapture dans ce test, pour la simple et bonne raison qu’il est d’une importance capitale dans un jeu narratif comme celui-ci. Pour vous situer un peu, sachez que vous prendrez le contrôle d’un personnage inconnu, qui débarque dans le village anglais de Yaughton, victime d’une apocalypse qui a emporté l’intégralité de sa population. Mais la grande particularité du titre est justement de proposer un univers post-apocalyptique qui ne ressemble à aucun autre. En temps normal, ce type de production propose des décors en ruine, des maisons dévastées par les ravages du temps, une nature qui a repris ses droits sur la civilisation et autres exotismes bien connus des joueurs et amateurs du cinéma fantastique / science-fiction. Mais Everybody’s Gone to the Rapture sur PS4 ne répond pas à ce standard, en créant une ambivalence qui se retrouvera un peu partout dans le jeu, dans tous ses secteurs.

  

Votre objectif, en foulant pour la première fois le sol de Yaughton, sera de percer le mystère de cette apocalypse. Pour ce faire, les développeurs vous ont réservé la découverte de six arcs narratifs qui s’attarderont chacun sur divers personnages clés du village. De prime abord, on se retrouve à contempler des dialogues entre des humains que l’on ne connait pas, pour petit à petit s’y attacher, se les représenter, et toujours vouloir en connaitre plus de leur personnalité et histoire. Les interactions avec ces personnages sont inexistantes, mais l’implication du joueur dans leur scénario est l’une des choses qui vous donneront de plus en plus envie de les connaitre. Gros point fort, les scénaristes ont réussi le pari, comme dans un excellent roman, de laisser une grande place à l’imagination et à la représentation mentale des anciens habitants de Yaughton. Assez fort, pour un jeu vidéo qui nous impose d’habitude un univers tout fait de A à Z ! Il y a donc de fortes chances pour que vous n’imaginiez pas du tout les personnages de la même manière que votre voisin, et ça, c’est un luxe que peu de jeux peuvent se vanter !

Pour revenir à l’ambivalence globale de Everybody’s Gone to the Rapture sur PS4, on mettra donc en avant tout un tas de contradictions non péjoratives qui contribuent à forger une expérience de jeu unique, à vivre plus qu’à jouer. L’apocalypse entraine la mort, mais aucun cadavre n’est présent. Personne n’est là pour vous en dire plus, mais vous découvrirez quand même les moindres secrets de Yaughton. Les habitants vont sont inconnus, mais vous finirez par les connaitre. Le village est en quarantaine, mais il semble pourtant ne pas pâtir de cette urgence visant à protéger ses âmes. Nous pourrions continuer à vous citer des exemples comme ceux-là pendant longtemps, mais nous vous laisserons le soin de les découvrir par vous-mêmes, pour une histoire qui, soit ne vous parlera pas, soit vous marquera pendant longtemps.

Yaughton – La ville inoubliable et oubliée

Si vous avez grandi pendant les années 1980′ ou que vous étiez déjà adulte à ce moment là, Everybody’s Gone to the Rapture devrait vous faire vivre une nostalgie incroyable. The Chinese Room a réussi à créer un univers incroyablement riche, via une petite région anglaise qui posséde une très forte personnalité, autant artistique que technique. Mettons d’abord en avant l’incroyable talent créatif des développeurs, qui ont tout simplement réussi à faire naitre une âme dans un lieu qui est totalement dépourvu de vie humaine, mais qui arrive tout de même à ne pas vous faire sentir seul au monde dans un village fantôme. Tout au long de votre périple, vous traverserez des quartiers bien différents, des maisons vides qui ont encore des traces de leurs habitants, des commerces, des champs et forêts luxuriantes, ruisseaux et cascades, pour une atmosphère très campagnarde qui ne manquera pas de vous rappeler vos vacances d’enfance chez votre grand-mère à la ferme ! Yaughton est atmosphérique, envoûtante, appelle sans cesse à la rêverie, tout en ayant des choses terribles à vous apprendre sur son histoire.

La direction artistique est très solide, la narration aussi, mais qu’en est-il de la réalisation technique de Everybody’s Gone to the Rapture ? Dernièrement, nous vous avons fait découvrir un incroyablement beau The Vanishing of Ethan Carter, qui poussait la PS4 assez loin dans ses capacités pour afficher un Unreal Engine 4 très exigeant. La production de The Chinese Room est elle aussi somptueuse, mais un ton en dessous de la production de The Argonauts. Tout d’abord, Everybody’s Gone to the Rapture tourne à 30 images par seconde, avec quelques petites chutes de framerate de temps en temps. Le rythme du jeu étant très lent, ces saccades ne sont pas vraiment problématiques, mais présentes tout de même. C’est surtout du côté des textures que nous aurions aimé voir des choses plus fines, avec certains revêtements qu’il ne faudra pas trop observer de près. Mais ne nous méprenons pas, Everybody’s Gone to the Rapture est magnifique, sans clipping, posséde des effets de lumière somptueux, une distance d’affichage très bonne, une météo variée à couper le souffle et des panoramas emprunts d’une magie et d’une poésie inoubliables. En somme, le titre de The Chinese Room est une pépite visuelle très immersive à savourer à chaque instant.

Un gameplay immersif mais passif

Décrire l’univers et l’atmosphère de Everybody’s Gone to the Rapture sans vous dévoiler ses secrets est une pratique vraiment peu aisée, et aussi diablement subjective, puisque le titre ne parlera pas à tous les joueurs de la même manière. Là où ce test du jeu sur PS4 devrait rejoindre l’avis du commun des mortels est cependant à mettre sur le crédit de son gameplay. Archi simpliste, il vous permettra en effet seulement de déplacer le personnage et d’interagir avec quelques éléments en appuyant sur « X ». La course est interdite, rendant l’évolution dans le jeu très lente. Sur ce point, vous apprécierez de prendre le temps de vous baigner de l’âme des décors idylliques de Yaughton, ou vous couperez le jeu immédiatement en prônant la « chiantitude » d’un jeu qui ne vous demande pas de savoir jouer.

Avec un gameplay aussi simple, le but de Everybody’s Gone to the Rapture est tout aussi sommaire : vous permettre facilement de profiter de sa narration omniprésente en écoutant des bandes magnétiques et en activant des orbes lumineuses de mémoire temporelle. Cette formule fonctionne à merveille, et l’immersion est malgré tout à son paroxysme, mais nous aurions toutefois aimé pouvoir interagir avec beaucoup plus d’éléments que ce qui prévu dans le jeu. Certains bâtiments sont fermés à tout jamais, chose acceptable et expliquée par le scénario, mais nous aurions vraiment voulu pouvoir fouiner partout dans les maisons abandonnées pour en savoir encore plus sur les habitudes de vie des habitants. Avec un univers aussi fantastique, la frustration est un poil présente, et l’exploration un brin plus minimaliste que souhaitée, la faute aux développeurs qui ont conçu des environnements vraiment intriguants que l’on veut connaitre intégralement.

La meilleure bande son du siècle ?

Enlever la bande son de Everybody’s Gone to the Rapture, c’est lui enlever une très grosse partie de son âme poétique. Dans l’histoire des tests de Playerone.tv, la note maximale d’environnement sonore n’avait été atteinte qu’une seule fois, c’est dire si les compositions du jeu sont excellentes ! Jessica Curry, à l’origine des musiques de Everybody’s Gone to the Rapture, signe là sont meilleurs CV. Non seulement les mélodies et chants sont d’une beauté à vous faire dresser les poils sur les bras (si votre culture musicale ne se limite pas à la musique commerciale des bandes FM), mais elles sont à la fois adaptées à la narration et se déclenchent aux meilleurs moments possibles. Côtés doublages, vous obtiendrez une immersion maximale que vous choisissiez les voix anglaises originales, ou françaises. Everybody’s Gone to the Rapture est une véritable pépite pour les oreilles, pour un environnement sonore parfait, tout simplement !

Everybody’s Gone to the Rapture pour tout le monde ? Pas vraiment !

Comme toujours avec ce genre de jeux très contemplatifs où la narration est le seul et unique but du jeu, Everybody’s Gone to the Rapture n’est pas un titre à mettre entre toutes les mains. Très passif, le gameplay est là pour mieux servir l’ambiance et l’atmosphère de Yaughton, mais n’a pas pour vocation de vous proposer des sensations classiques de jeu vidéo. Attention toutefois à ne pas cataloguer cette nouvelle production de The Chinese Room dans les OVNI à la Dear Esther, puisque le studio accède petit à petit à la maitrise totale de leur sujet, pour un Everybody’s Gone to the Rapture qui contient une véritable ligne directrice artistique et narrative. Vous ne serez jamais perdu au milieu d’un champ en vous demandant ce qu’il se passe et pourquoi vous êtes là. A la manière d’un Kholat, mais davantage d’un The Vanishing of Ethan Carter, Everybody’s Gone to the Rapture est un roman interactif à vivre, à interpréter selon votre vécu, et à refaire une seconde fois pour mieux cibler les zones de flou qu’il pourra laisser à la fin de son aventure. Pour 19,99€, vous obtiendrez un petit bijou à terminer en 7 heures environ, mais qui vous invitera sans mal à le reparcourir dans la foulée une seconde fois…

  

Verdict : 18 / 20

  • Sadako

    Journaliste gaming et high-tech depuis 2009, je suis "Vanlifer" depuis 2021, dans mon camping-car équipé pour travailler sur les routes tout comme pour profiter de bons moments de détente !

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